le gredin

Dominique Noguez :

Le grantécrivain et autres textes

(L'infini, Gallimard)

 

Le sort de l'écrivain postmoderne


Auteur de romans remarqués, comme lexcellent Les Martagons ou Amour noir qui lui a valu le prix Fémina en 1997, mais aussi daphorismes comme les Immoralités ou les cadeaux de Noël, Dominique Noguez poursuit en parallèle une carrière dessayiste forte intéressante, ce qui nous vaut plusieurs fois lan, des articles extrêmement intéressants pour la Quinzaine Littéraire. Avec ce livre, le Grantécrivain, réévaluation dune conférence faite en 1993 à la Société des gens de lettres, Noguez sintéresse au sort de la littérature à lorée du nouveau siècle.

 

Si son livre commence par une petite satire du grand écrivain du passé, à travers lexamen des figures tutélaires des lettres françaises comme Gide ou Sartre pour la France ou non françaises comme Borgès et Néruda qui ont irradié de leur présence le milieu du siècle dernier, il ironise un petit peu sur cette époque révolue - Noguez note quand même en filigrane que ces figures, si elles ont disparues, apportaient à la littérature française une garantie de grandeur et de prestige quelle a désormais perdu. Selon lui, la littérature française se voit même sérieusement menacée par lémergence de la domination anglo-saxonne tant à lintérieur avec la fragilisation de la langue française quà lextérieur avec la baisse très sensible des traductions dauteurs français dans le monde.

 

Noguez sinterroge sur le futur de la littérature française mais plutôt que de sapitoyer sur le sort de la littérature française qui pourrait prendre alors laspect dune littérature franchouillarde que lon déteste tant, tente de lancer des pistes et envisage un avenir serein sous la forme dun nouveau moralisme ou dune exacerbation de lautoparodie.

 

Pour Noguez le futur de la littérature française, au-delà de la menace étrangère et de la perte dinfluence et dhégémonie de la langue française dans le monde des lettres passe nécessairement par le défrichage de terres vierges et encore relativement peu exploitées par nos écrivains. Noguez penche pour la dénonciation dune certaine forme de vérité sociologique et veut débusquer la réalité sociale. Pour lui, lécrivain doit soublier sauf sil se condamne à la vérité sur lui-même et seffacer derrière la traque des travers de notre société qui nen manque pas. Noguez pense que le grantécrivain de demain devra manger le fromage avec la croûte quitte à sétouffer et à simmoler. Noguez plaide pour une littérature critique et pour un retour à lempathie, coller aux choses avec une certaine distance : " lauteur doit consentir à ne plus seulement divaguer, à ne plus seulement sabandonner à la griserie de son imagination ou de ses fantasmes, mais à être modestement aux ordres du monde, à être lhumble scribe de la réalité ". Comme il le dit, la littérature peut prendre la forme dune dédorure mais surtout lécrivain doit renoncer à se monter le bourrichon et à se dorer la pilule.

 

Noguez déroule le futur programme de la littérature dans son style caractéristique fait dironie, dhumour et de dérision qui le caractérise : tout dabord montrer que la littérature existe encore et quelle est toujours possible mais aussi par léloge des nouveaux moralistes du style Houellebecq et de la littérature comme autoparodie provoquée.

 

Berric.

Extrait

" Et voilà ma conclusion. La défense de la langue - en loccurrence de la langue française comme outil de création doit se faire dans cet état desprit rimbaldien : comme défense et illustration dune langue qui nuniformise pas, mais réconcilie (lEst et lOuest, le Nord et le Sud), dune langue qui ne se veut plus langue de domination, mais soffre, selon les termes de Deleuze et Guattari, à une utilisation mineure et déterritorialisée. " Comment devenir le nomade et limmigré et le tzigane de sa propre langue " ?