Fight
to win
Alors
que l'écoute du For distingué lovers de Régis
Ceccarelli allait nous faire maudire les "fils de",
le Fight to win de Femi Kuti nous rappelle combien seul
compte d'avoir quelque chose à exprimer.
Le
Fight to Win (Barclay/Universal) de Femi Kuti
est certainement l'album de sa maturité. Un héritage
comme celui de Fela est des plus écrasants à assumer.
De même que pour Bob Marley ou John Lennon, les fistons
doivent assurer la relève de celui qui n'était pas
simplement un musicien révolutionnaire mais aussi un meneur
d'hommes, une légende ayant touché l'âme de
millions de personnes. Femi, fils aîné de Fela, reprend
avec vaillance et brio le flambeau. Cela n'a pas été
facile. Bien sûr, même s'il avait fait ses classes
dans la meilleure école de l'afrobeat qui soit : le groupe
de son père, Femi a été jugé fade
lors de ses débuts en solo. Mais il ne s'est pas écarté
du chemin rythmique de l'afrobeat ni de ses solides sections de
cuivres. Avec raison. Primo, il est tombé dans la marmite
à la naissance, deuxio l'afrobeat est une des plus imparables
machines à groove qui soit. Ca tourne à merveille
et c'est contagieux. La manière dont Tony Allen, formidable
ancien batteur de Fela, mène à Paris l'afrobeat
sur de nouvelles pistes, en collaboration avec Doctor L ou en
confrontation à des DJs, en témoigne. Dans le cas
de Femi, sur ce nouvel album, si le son est volontiers plus brut,
plus live que sur son précédent Shoki Shoki, il
s'enrichit également des rencontres américaines
de son auteur : à savoir deux des rappeurs les plus éveillés
du moment, Mos Def et Common.
Là
où Fela, tel un rouleau-compresseur, développait
ses chansons sur une allègre demie-heure, Femi se resserre
le propos et concentre l'essentiel dans des durées plus
standard. Soutenu par un groove infaillible, il ne peut se contenter
d'inviter à la danse (l'affaire est toutefois acquise haut
la main). Comme son père, il considère que la musique
n'est pas qu'une distraction mais une arme. Si, pour Fela, la
musique était "l'arme du futur", ("music
is the weapon of the future" dans le texte), Femi annonce
: "Music will bring Africa back on the world map" (la
musique remettra l'Afrique sur la carte du monde). Plutôt
que la facilité d'un exil, il reste à Lagos, capitale
bouillonnante et si redoutable du Nigéria. Sans prétendre
créer sa propre République sécessionniste,
comme la Kalakuta de Fela, il choisit la résistance pragmatique
et rouvre la boîte-culte créée par son père,
le Shrine. Dans une ville marquée par le couvre-feu quotidien,
il s'y produit chaque semaine et rêve d'y inviter ses amis
américains (qui se sont pour l'instant dégonflés,
craignant visiblement pour leur confort). Initiateur du MASS (Movement
Against Second Slavery), Femi fait preuve d'autres qualités
que celles que l'on se contente d'exiger habituellement d'un musicien,
courage, humilité, sincérité. Il sait aussi
que la route est longue du combat à la victoire mais se
bat pour gagner, Fight to win.
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