Chronique Date : 01 décembre 2001 par Olivier Cathus

Fight to win

 

Alors que l'écoute du For distingué lovers de Régis Ceccarelli allait nous faire maudire les "fils de", le Fight to win de Femi Kuti nous rappelle combien seul compte d'avoir quelque chose à exprimer.

Le Fight to Win (Barclay/Universal) de Femi Kuti est certainement l'album de sa maturité. Un héritage comme celui de Fela est des plus écrasants à assumer. De même que pour Bob Marley ou John Lennon, les fistons doivent assurer la relève de celui qui n'était pas simplement un musicien révolutionnaire mais aussi un meneur d'hommes, une légende ayant touché l'âme de millions de personnes. Femi, fils aîné de Fela, reprend avec vaillance et brio le flambeau. Cela n'a pas été facile. Bien sûr, même s'il avait fait ses classes dans la meilleure école de l'afrobeat qui soit : le groupe de son père, Femi a été jugé fade lors de ses débuts en solo. Mais il ne s'est pas écarté du chemin rythmique de l'afrobeat ni de ses solides sections de cuivres. Avec raison. Primo, il est tombé dans la marmite à la naissance, deuxio l'afrobeat est une des plus imparables machines à groove qui soit. Ca tourne à merveille et c'est contagieux. La manière dont Tony Allen, formidable ancien batteur de Fela, mène à Paris l'afrobeat sur de nouvelles pistes, en collaboration avec Doctor L ou en confrontation à des DJs, en témoigne. Dans le cas de Femi, sur ce nouvel album, si le son est volontiers plus brut, plus live que sur son précédent Shoki Shoki, il s'enrichit également des rencontres américaines de son auteur : à savoir deux des rappeurs les plus éveillés du moment, Mos Def et Common.

Là où Fela, tel un rouleau-compresseur, développait ses chansons sur une allègre demie-heure, Femi se resserre le propos et concentre l'essentiel dans des durées plus standard. Soutenu par un groove infaillible, il ne peut se contenter d'inviter à la danse (l'affaire est toutefois acquise haut la main). Comme son père, il considère que la musique n'est pas qu'une distraction mais une arme. Si, pour Fela, la musique était "l'arme du futur", ("music is the weapon of the future" dans le texte), Femi annonce : "Music will bring Africa back on the world map" (la musique remettra l'Afrique sur la carte du monde). Plutôt que la facilité d'un exil, il reste à Lagos, capitale bouillonnante et si redoutable du Nigéria. Sans prétendre créer sa propre République sécessionniste, comme la Kalakuta de Fela, il choisit la résistance pragmatique et rouvre la boîte-culte créée par son père, le Shrine. Dans une ville marquée par le couvre-feu quotidien, il s'y produit chaque semaine et rêve d'y inviter ses amis américains (qui se sont pour l'instant dégonflés, craignant visiblement pour leur confort). Initiateur du MASS (Movement Against Second Slavery), Femi fait preuve d'autres qualités que celles que l'on se contente d'exiger habituellement d'un musicien, courage, humilité, sincérité. Il sait aussi que la route est longue du combat à la victoire mais se bat pour gagner, Fight to win.

 

 
mise à jour : 15 / 11 / 2001
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