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Sur
le front de la musique carioca, se manifestent avec le même enthousiasme
la vieille garde et la nouvelle avec, pour tendre un pont entre ces générations,
Marisa Monte.
D'abord, du côté des jeunes et de la relève, Pedro
Luis e A Parede. Cette bande de garnements brade tout comme l'indique
le titre de leur deuxième album : È tudo um real
(Warner Jazz). Leur musique, construite sur le principe du démontage
de batterie auquel s'ajoute une foule d'instruments et ustensiles divers,
zappe allègrement de tempos funky en guitares rock, de ska-valcade
en fil rouge samba-tucada. Les rythmes d'aujourd'hui tournent en toute
désinvolture, sans prise de tête mais avec un son calibré
et une bonne humeur de mise.
La
bonne humeur toujours, mais l'émotion en plus, voici la Velha
Guarda da Portela, car il ny a pas de raisons que les seuls
Cubains jouissent du " papy boom " musical. Épatants
et rayonnant sur scène (comme récemment à la Villette
en compagnie de Paulinho da Viola), ces vieux de la vieille affiliés
à lEcole de Samba de Portela, à Rio, chantent sur
Tudo azul (Lusafrica) quelques perles de leur répertoire,
en grande partie pour la première fois enregistrées.
En produisant leur disque, Marisa Monte, certainement-la-plus-brillante-artiste-féminine-brésilienne-du-moment
(ouf !), a uvré pour la préservation de ce patrimoine
immense qui risquait de sombrer dans l'oubli à la disparition de
leurs auteurs. Cette collaboration n'est pas une première puisqu'elle
les avait déjà invités à l'accompagner quand
elle reprit leur magnifique "Esta melodia", sur son album de
1994, Rose and charcoal, certainement un des plus beaux disques
brésiliens de la décennie passée.
Ici la couleur est le bleu, bleu comme celui de Portela à qui la
bande à Monarco (David do Pandeiro, Jair do Cavaquinho, Casemiro
da Cuica, Paulaõ 7 Cordas, Dona Eunice, etc.) voue une dévotion
sans failles, et bleu comme les bleus à l'âme qui ont forgés
tant leur sagesse que leur allégresse. Comme chez Ibrahim Ferrer
ou Omara Portuondo, les voix possèdent ce charme unique donné
par les ans et le goût de la vie. Déjà un classique.
Sur
Memories, chronicles and declarations of love (EMI), Marisa
Monte nous sert un tout autre son de cloche. Sa culture samba est
mise en retrait au profit d'une MPB sophistiquée, déjà
pop internationale, interprétée par son fidèle All-Stars
Band. Si l'on se souvient que son deuxième album s'appelait + (Mais,
en v.o), on dira qu'ici, c'est Marisa + Arto Lindsay + sa clique new-yorkaise
(Marc Ribot, etc.) + Carlinhos Brown + Arnaldo Antunes le rocker + des
musiciens prestigieux comme Jaques Morelenbaum au violoncelle + une section
de cordes, le tout enregistré à Rio + Salvador + New-York.
Reste à savoir : le tout est-il supérieur à la somme
de ses parties ? Autrement dit, sans vouloir en faire un devoir de maths
pour les vacances, a-t-elle réussi par l'opération du charme
musical à changer une simple addition en multiplication ? La réponse
est (tout simplement) que Marisa Monte est l'= des plus grandes.
Sa voix si haute est toujours aussi belle et cultive avec classe la mélancolie
sur le thème des amours impossibles. Thème récurrent
de la présente collaboration avec Carlinhos Brown, dont on sait
la grande complicité artistique qui l'unit à Marisa Monte.
C'est elle, par exemple, qui produisit l'album de Brown, après
qu'ils aient longuement joué et sélectionné les chansons
du prolifique bonhomme dans son garage, avant de passer en studio. Dans
l'esprit des escapades en crooner de son Omelete man, il signe (ou co-signe)
plus d'un tiers des morceaux et, pour plaire à la belle, se montre
ici sous son jour romantique.
Les "declarations of love" de Marisa Monte se dévoilent
lentement, avec élégance et retenue, chaque écoute
nous révèlant un peu des charmes de ces chansons sentimentales
qui anoblissent le moindre transistor.
Olivier Cathus
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