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Dans
la famille Gilberto, j'appelle Bebel, fille de João et Miucha.
Avec Tanto Tempo, cette "fille de" veut mettre
la bossa, tradition familiale oblige, au goût du jour. C'est louable
et d'autres s'y sont déjà collés.
Le moyen le plus simple pour cela est tout simplement de greffer des beats
sur les chansons et de confier la production à la nouvelle vague
experte ès-électro, Suba en premier lieu (hélas depuis
disparu dans l'incendie de sa maison), Amon Tobin, Smoke City ou The Thievery
Corporation. Que du beau monde. Sans compter un passage éclair
aux percus de Carlinhos Brown et Marcos Suzano.
Pour les chansons, on pioche dans le répertoire de bon ton et on
en sort les classiques "Samba da benção" de Vinicius
et "Samba e amor" de Chico Buarque (oncle de Bebel, soit dit
en passant). Bebel, pour le reste, se colle aux compos et co-écrit
une bonne partie de l'album.
Il faut dire qu'exilée depuis 10 ans à New-York ou Londres,
on imagine sans peine qu'elle ait de la matière : mal du pays et
saudade à revendre. Pourtant, à l'écoute, agréable
certes, on se demande où est passée l'émotion. La
production reste un peu lisse et la voix de Bebel de même.
La mise au goût du jour a déjà par le passé
causé du dégât, Jorge Ben et Gilberto Gil ont ainsi
allègrement massacré certaines de leurs plus belles chansons
sous le clinquant d'arrangements ayant vite fait de dépasser la
date de péremption. Sans vouloir être trop "desafinado"
dans le concert de louanges ayant accueilli cet album, on trouvera que
l'exercice reste ici très conventionnel, ses discrets "boom-booms"
ne valent pas une bonne batida à la guitare.
Ce Tanto tempo nous donne l'occasion de revenir sur la notion de pop internationale
que nous suggérions à propos de Marisa Monte : une "MPB
sophistiquée, déjà pop internationale". Pourrions-nous
reprendre le terme pour décrire la musique de Bebel ? Peut-être.
À moins que nous ne soyons tout bonnement dans la variété
internationale ? Nuance. Et c'est quoi la nuance ? La nuance, c'est que
l'on croirait presque entendre la version moderne d'Astrud, encore une
Gilberto, c'est-à-dire la bossa nova calibrée pour le public
international, un brin fadouille. En un mot, rien d'original. Bebel ne
fait pas avancer le "schmiblickinho" !
Olivier Cathus
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