Rizwan
et Muazzam Ali Khan : tombés dans la marmite du qawwali
Rizwan et Muazzam, jeunes frères d'une vingtaine d'années,
neveux du grand Nusrat, sont issus d'une dynastie de chanteurs.
Le qawwali, ils sont tombés dans la marmite à la
naissance. (Hormis le qawwali, nous ignorons ce qu'il y avait
d'autre dans cette marmite, mais vu leur gabarit de géant,
on se dit que ça devait être bigrement nourrissant.)
Réalisé il y a un an, lors des Belles Nuits du Ramadan,
cet entretien prend aujourd'hui un écho particulier. Le
qawwali pakistanais est en effet le témoignage d'un Islam
soufi, fraternel plutôt que martial. Peu importe dès
lors que leur discours soit en contradiction avec leur discographie
: ils ont beau dire "on ne mélange pas le qawwali
avec de la musique moderne", People's Colony, leur album
électro avec Temple of Sound, est pourtant sorti sous le
nom de Rizwan & Muazzam Qawwali.
Le
qawwali est une musique soufi, peut-on dire que sa fonction est
de rapprocher de Dieu ?
Rizwan et Muazzam Ali Khan : Le qawwali est lié et a ses
origines dans le soufisme. Ca a à peu près mille
ans. Dans le qawwali, nous avons des prières pour Dieu,
des prières pour le Prophète ou les Saints. Et le
but du qawwali est d'amener les gens plus près de Dieu
et d'amener la paix et l'amour parmi les gens.
Cela peut-il déboucher sur la transe ?
R. & M. A.K. : Oui, car les gens sont impliqués dans
la musique, même s'ils ne comprennent pas les paroles, ils
comprennent la musique. La poésie soufi a aussi beaucoup
d'effet sur le public, et cela peut conduire à la transe.
Certains ne savent plus ce qu'ils font, ils dansent, ils pleurent.
C'est vraiment une sorte de transe. Ca met vraiment les gens en
transe. Cela dépend aussi des chanteurs. Plus le chanteur
chante avec toute la profondeur de son cur, plus l'artiste
est impliqué dans son chant, plus cela crée un effet.
Vous êtes très jeunes, pensez-vous avoir encore
beaucoup de progrès à accomplir dans l'art du chant
qawwali ou le fait d'avoir commencé enfant vous a-t-il
permis de déjà atteindre votre meilleur niveau ?
R. & M. A.K. : Oui, nous savons que nous sommes très
jeunes, nous avons appris depuis l'enfance, nous avons toujours
joué professionnellement sur scène. Et nous savons
aussi que la musique est sans fin, que c'est un processus d'apprentissage
permanent et que l'on ne devient jamais maître. Nous apprendrons
toujours, dans le futur également.
Puisque vous êtes jeunes et que vous représentez
la nouvelle génération, envisagez-vous à
l'avenir de mélanger le qawwali à des influences
plus modernes, comme avait pu le faire votre oncle le grand Nusrat
?
R. & M. A.K. : Oui, nous faisons partie de la nouvelle génération
mais le qawwali lui-même ne change pas. Les artistes changent
mais la tradition ne change pas. Notre but est de garder la tradition.
Nous avons récemment fait un album avec le groupe Temple
of Sound, à Londres. Et notre nouvel album sortira en avril
chez Virgin / Realworld. Mais on ne mélange pas le qawwali
avec de la musique moderne. Si nous collaborons avec d'autres
musiciens, nous faisons des performances solo. Peut-être
garderons des textes traditionnels mais pas du qawwali. Le qawwali
n'ira jamais avec une musique moderne. Même notre oncle
Nusrat a collaboré avec d'autres artistes mais il n'a jamais
mélangé le qawwali avec d'autres musiques, avec
des musiques modernes. C'est lui-même qui chantait, en solo.
Une performance solo ne sera pas considérée comme
du qawwali. Parce que les gens pensent que quand on fait des performances
solos c'est un "qawwali mix", mais ce n'est pas du qawwali.
C'est un solo, avec peut-être des paroles branchées,
mais ce n'est pas du qawwali.
Que pensez-vous de la vocation de ce festival qui est de rassembler
pour le Ramadan des gens de religions différentes ?
R. & M. A.K. : Nous sommes très contents d'être
ici. Nous étions déjà là l'an dernier,
déjà pendant le Ramadan. C'est bien de pouvoir rassembler
des gens de toutes les religions au même endroit. Et c'est
tout le message du qawwali :: convoyer un message de paix et d'amour
et unir les gens. Et quand on voit ça, ça nous rend
très heureux, car vraiment la musique aide à tisser
un lien entre les gens. Nous voyons des progrès et ça
nous rend heureux.
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