Racisme et discrimination : un bilan de l'année 1999.

 



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1°) Les faits constatés en 1999

Mauvais traitements

Des faits constatés par Amnesty : des nouvelles informations ont fait état de mauvais traitements exercés par des agents de la force publique ou des surveillants de prison. La plupart des victimes était d'origine non européenne. En janvier, huit détenus d'origine nord-africaine, dont trois mineurs, avaient été roués de coups par sept gardiens de prison à la maison d'arrêt de Grasse (Alpes-Maritimes) dans la nuit de la Saint-Sylvestre.

Amnesty signale également des mauvais traitements infligés à des demandeurs d'asile et des étrangers sans papiers, dont certains ont été renvoyés dans des pays où ils risquaient d'être victimes de persécutions, notamment trois Sri-Lankais.

L'article 78-2 du code de procédure pénale qui autorise les contrôles d'identité sur la voie publique est utilisé comme un " instrument par les forces de police pour justifier les contrôles au faciès ".

 

Inégalités devant la loi

Dans le même ordre d'idées, la branche française du SSAE (Service Social d'Aide aux Émigrants) fait état de dérives condamnables dans l'application de la Loi française, par le tenant de l'autorité.

 

A°) Il y a tout dabord les situations proches de l'abus de pouvoir.

Refus de délivrance de titre de séjour aux ascendants de Français, aux jeunes de 16 à 18 ans, aux conjoints de français après un an de mariage.

Refus de délivrance de carte de résident aux ascendants de Français au prétexte que les ressources sont insuffisantes quand il n'y a qu'un seul salaire.

Refus de délivrance à l'âge de 16 ans d'un titre de séjour à un jeune susceptible d'en avoir.

Refus de délivrance de carte de résident aux conjoints de Français en situation régulière après un an de mariage.

Des Mairies ou des commissariats de police refusent d'instruire des dossiers de demande de renouvellement de carte de résident, ce qui entraîne un dépassement de la date de validité du titre de séjour et une perte des droits sociaux.

Refus de mariage des étrangers en situation irrégulière.

Refus de l'aide médicale par la DASS pour les personnes en situation irrégulière, même après 3 ans de séjour en France.

 

B°) L'administration interprète la loi à sa façon ou profite d'un certain "flou" de la réglementation, ou d'un vide juridique pour refuser des droits :

Non admission des jeunes de plus de 16 ans dans les écoles (la scolarisation étant obligatoire jusqu'à 16 ans, des directeurs d'établissements refusent la scolarisation après 16 ans).

Refus de régularisation des parents d'enfants français.

Exigence par les préfectures, tribunaux d'instance, mairies, de documents (d'état civil notamment), non exigés par la loi.

 

C°) 90% des plaintes déposées au parquet pour discriminations sont classées sans suite pour manque de preuves.

Sur les 200 plaintes en moins de 3 mois déposées, il a eu selon le Haut Conseil à l'Intégration en 1998, 10 condamnations uniquement. La loi du 16 Juillet 1998 relative à la lutte contre le racisme et la xénophobie n'est qu'inégalement appliquée.

Bavures policières

Amnesty International a également constaté en décembre 1998, à Toulouse, la mort de Habib Ould Mohamed, dix-sept ans, mortellement blessé par balle dans des circonstances peu claires par un policier qui le soupçonnait de tenter de voler une voiture avec un de ses amis. Il n'était pas armé, a réussi à s'enfuir en titubant. Les policiers ne l'ont pas poursuivi et son corps a été retrouvé plus tard par une passante. À leur retour au poste de police, les membres de la patrouille n'ont pas signalé, comme le prévoit la loi, qu'ils avaient fait usage de leurs armes.

 

Racisme et discrimination à l'embauche

- L'affaire du pharmacien de Solesmes qui a refusé par lettre l'emploi de pharmacien-assistant à un candidat au motif que "sa clientèle ne semble pas apprécier (vos) origines étrangères. Le candidat à porté plainte relayé dans son intention par le MRAP. Ce pharmacien estime de 5 à 10% la frange de sa clientèle suffisamment raciste pour aller se faire servir ailleurs !

- L'agence d'interim ADECCO a été testé par les associations anti-racistes qui ont montré que sur 80 candidats issus de limmigration, seuls deux ont été retenus. Un jeune candidat a téléphoné sous deux noms différents, Mohamed et François, en présentant le même profil. Seul François a été retenu et à obtenu un contrat.

- Selon la CFDT, suite à une enquête concernant la réinsertion professionnelle dans le Gard après la fermeture des mines, les employeurs ont clairement avoué faire de la " discrimination à l'embauche ". Les ex-mineurs marocains ou algériens n'ont pas retrouvé demploi. Leurs enfants non plus.

- Une entreprise du bâtiment déclare avoir besoin d'ouvriers qualifiés pour la rénovation de parquets. Ceux-ci ne peuvent être d'origine maghrébine " parce que les clients n'accepteraient pas de les laisser entrer dans leur maison. Mais ils ne diront rien si'ls travaillent dehors ".

- Les administrateurs CFDT de l'ASSEDIC de Toulon racontent qu'ils doivent se battre au quotidien pour que les dossiers aux noms à consonance étrangère ne soient pas rejetés avant même d'être examinés.

 

Le racisme au travail (ordinaire ou non)

Pour les organisations syndicales le racisme ordinaire se banalise. Elles ont constaté dans les WC de certaines entreprises, la recrudescence d'inscriptions et de graffitis à caractère raciste. Un chef d'atelier a été condamné pour avoir interpellé un marocain en criant : " Eh, le bougnoule au téléphone ". En Alsace, une discrimination à la promotion a été constaté, les salariés d'origine étrangère ne peuvent être promus ouvriers professionnels. Les gens ne se cachent plus d'être raciste au travail. Les plaisanteries à caractère raciste se multiplient. La CFDT a constaté également, l'augmentation des provocations racistes, par exemple, coller un autocollant FN sur le poste de travail d'un salarié d'origine maghrébine. À Mulhouse, certains salariés faisaient tout pour contrecarrer et saboter les prières du vendredi des Musulmans.

 

L'affaire IKEA : une note par courrier-électronique émanant d'un cadre de la direction du magasin de Saint-Priest dans le Rhône, transmise à des responsables des neuf sites français fait état pour le recrutement de contrôleurs de distribution du catalogue au domicile des particuliers, d'une recommandation d'engager un profil détudiant, " dynamisant, débrouillard et d'abord sympathique " et il invite ses destinataires à " ne pas recruter des personnes de couleur car c'est malheureux à dire mais on leur ouvre moins facilement la porte et il s'agit d'avancer vite ". Dans le même temps les syndicats de cette même entreprise ont noté le retrait d'employés de couleur du contact avec la clientèle, de traitement discriminatoire dans le déroulement de carrière et les embauches et des propos de cadres ambigus. Un consultant, Henri Vaquin, a été nommé et va bientôt rendre ses conclusions. En tous les cas, une affaire à suivre de très près.

 

Une certaine montée du ou des racismes ordinaires

Si l'on assiste à une installation massive à la périphérie des villes, dans les tours et les barres de HLM d'une population jugée indésirable en ville, l'on peut mettre ce fait en relation étroite avec la montée de la ségrégation et de l'inégalité face au logement, notamment la peur pour l'office HLM du regroupement familial et des familles polygames. N'oublions pas de signaler l'inégalité et le non-respect de la loi Besson qui oblige une ville à une certaine part de logements sociaux. Or de ce point de vue là, Neuilly et Boulogne sont dans l'illégalité, la plus absolue. Aujourdhui la discrimination raciale ne concerne pas seulement les secteurs des loisirs, boîtes de nuit, cafés mais surtout les institutions responsables du lien social : magasins, emplois, logements et écoles, voire même parfois les centres sociaux eux-mêmes. Un groupe métissé de lycéens s'est vu refuser l'entrée d'un café parisien alors qu'ils avaient réservé une table pour un anniversaire.

 

Les solutions

Il faut soutenir " SOS-Racisme " dans son action de " Testing " qui consiste à mettre au jour les pratiques discriminatoires afin d'en établir la preuve juridique et de porter plainte devant les tribunaux.

Il faut informer et éduquer aux respect des droits humains et comme le demande SOS-Racisme inviter les chef dentreprises et les responsables de l'ANPE lors de la remise de la carte didentité aux jeunes de 18 ans accédant à la nationalité française.

Il faut faire appliquer la loi et soutenir l'action syndicale et les associations qui se portent partie civile dans les plaintes déposées au parquet.

 

Le Gredin soutient SOS-Racisme, le MRAP, Amnesty International et toutes les institutions syndicales ou associatives qui se battent contre le racisme et la discrimination.

Bientôt un nouvel état des lieux sera fait et le site proposera un entretien avec Ahmed Dar Alia, délégué syndical CFDT à IKEA, Paris-Nord II.

 

Bibliographie:

Philippe Bataille, Le racisme au travail, 1997, Paris, La découverte
 
L'exclusion, l'état des savoirs, sous la direction de Serge Paugam, 1996, La Découverte, Paris

 

 

 

 

Pour le Gredin,

 

Bertrand RICARD, docteur en sociologie

 

 

Notes