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BECK-ING
THE RULES
Un type
qui franchit le cap de lan 2000 avec un album frappé funk
ne peut pas être foncièrement mauvais, surtout quand il sagit
de quelquun daussi brillant et créatif que Beck Hansen.
Toutefois, avant de jeter impatientes les oreilles dans une première
écoute du disque, on pouvait être sceptique devant lunanimité
dithyrambique qui accompagna la sortie de Midnite Vultures.
Tant de médias criant au génie, ça fatigue vite et
on pouvait craindre le coup monté : habillage trashos-air-du-temps
ressuçant les années quatre-vingt en passe de devenir le
must du moment, le top de la hype, méfiance. Même si cest
Beck et que le type a plutôt tout lair du mec plus bohème-bricolo
que fashion-victim, méfiance.
Pourtant sil y a ici un petit parfum 80s dans ce disque de
toute fin de siècle, nous concèderons que cest le
petit pas en arrière pour mieux prendre lélan de sauter
dans les 00s. Car Beck aura tout le temps de participer à
linvention de la musique du XXIème siècle, lavenir
lui appartient. Et surtout... demblée, cest mortel
avec limparable " Sexx laws " et ses cuivres bruts. Mais
on avait déjà pu entendre le morceau, déjà
sorti en single et clippé. Par contre, on est dabord surpris
de la suite.
Oui,
lalbum a tellement été décrit comme "funk"
que lon sattendait peut-être plus à une chaude
jam-session aux sons de lâge dor 70s quà
ce qua, en fait, réalisé Beck : un véritable
album de studio, un petit bijou où se multiplient les pistes et
les couches.
Une des ambitions de Beck sur cet album semble avoir été
de produire des sons des années 80 avec le son daujourdhui,
estimant peut-être que le potentiel des machines navait pas
été correctement exploité (et cest le moins
que lon puisse dire en ré-écoutant la plupart des
productions dalors). Et on reconnaît bien là las
de la récup, le petit génie bricolo dans son art étonnant
à se ré-approprier les effets les plus cheaps (vieux synthés,
batteries électroniques, petite voix de nana acidulée F.M.)
pour les transcender et les intégrer dans des compositions aux
architectures complexes, ouvertes aux voies de biais. Le banjo sur "Sexx
laws", les cordes beatlesiennes à souhait sur "Nicotine
& gravy", lelectro-funk sur "Get real paid".
Il subvertit le cheap en quelque sorte.
Au-delà,
on notera surtout que son inspiration sappuie sur un gros travail
de production tout dabord, jamais il navait été
aussi riche et fouillé quici. Un gros et indispensable travail
a aussi été fait sur les voix et leurs arrangements, car
comment prétendre réussir un album funk sans avoir les voix
à la hauteur. Certes il prend une voix de fausset et na pas
réellement une voix soul mais, à larrivée,
ce qui aurait pu être un écueil finalement tient la route
(tant bien que mal)...
Néammoins le côté soul et funky nest pas lessence
de la musique de Beck. Ainsi "Nicotine & gravy" est un chef-doeuvre
fractal éclatant dans toutes les directions (même s'il perd
pourtant un peu le groove en cours de route). Sy entremêlent
une rythmique "à la Sly", une montée de cordes
"à la Beatles", la fameuse petite voix acidulée
cheap, des choeurs, avant déclater en spirale électrique
orientalisante, magnifique.
En permanence sous-tendue par sa culture et ses influences pop, la version
du funk selon Beck est plus proche des touffus délires clintoniens
que des secousses tellurico-groovesques browniennes, en particulier sur
"Hollywood freaks" ou sur le refrain de "Get real paid".
Mais,
notamment par ses accents pop, on remarque surtout un côté
"princier" dans lexercice. Cest que, sous ses airs
enfantins de petit prince, Beck se montre aussi brillant que le petit
Prince quand celui-ci, au coeur des 80s, mettait tout le monde daccord
avec sa funky-pop sophistiquée. Sûr quaujourdhui
Roger "The Artist" Nelson doit apprécier à sa
juste valeur la production de Beck Hansen, peut-être soupire-t-il
"quel manque de classe" en voyant comment est attifé
le zigue Beck.
Une fois de plus, on constatera que Beck appartient à la catégorie
rare de ceux qui, quel que soit le genre traité, impose leur patte.
Quil sagisse de pop, de countryp-hop, ou de funk, Beck
casse les codes et impose ses propres règles à lexercice
: Beck-ing the rules !
Olivier Cathus
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FUNKBRIC
À BRAC
Avec ce nouvel album, Beck une nouvelle fois, étale son prodigieux
savoir faire et ses talents de meilleur artisan des States. Beck puise
ce coup là, son inspiration dans le creuset des musiques afro-américaines
: funk, soul, jazz rock et rap mais il sen dégage aussitôt,
pour garder intact sa propre manière de faire et de concevoir ce
que le mot influence recouvre dans son langage. Beck prend une base sonore
quil modifie à sa guise et quil transforme en du Beck
tout craché. Aussi, si lon peut dire quil a donné
le jour à un album pop, un album funk ou folk, au final, il demeure
une profonde unité dans sa discographie. Beck bricole les sons
et sait les mélanger. Possédant une prodigieuse culture
musicale, Beck parvient à sextraire de sa discothèque
pour produire son uvre à une vitesse déconcertante.
Déjà 6 albums et lon annonce quil planche déjà
sur le suivant au grand dam de Geffen, certains titres étant même
enregistrés. Cette fois Beck a été rechercher ses
moogs, son melottron, son vocoder et ses vieilles basse slappées
des années 70. Lalbum prend sa source dans la musique noire
des années 70-87, jusquau Prince de la première période
et propose un tour dhorizon à la sauce 2000 de cette époque
bénie des dieux pour les amateurs de musique noire.
La pochette de Midnite Vulture (la plus laide de lannée
avec celle dEBTG) annonce la couleur, lhiver sera dansant
ou ne sera pas. Kitsch et parodie des pochettes discos des disques cheaps
des années 77-80, celle de cet album reprend la thématique
annoncée par lalbum Vogue de Starshooter en 1978.
Cette musique est celle du sexe et de la sueur, du fun et de la bonne
humeur. Dentrée de jeu, Beck nous cueille à froid
avec le single "Sex Laws" lun des grands single de la
décennie et sorti trop tôt pour être le premier grand
single de lan 2000. Un tube soul avec un banjo! A jouer indéfiniment
en boucle et qui va mettre le feu dans bon nombre de fêtes pour
la Saint Sylvestre. Autant le dire tout de suite, lalbum ne contient
aucun autre morceau aussi fort et provoque donc une déception légitime
tant lon était parti de haut. Lalbum se poursuit avec
"Nicotine et gravy" à la rythmique très Sly and
the family stone entrecoupé dun pont très Beatles
style "Im the walrus" : un morceau de bonne facture.
Vient ensuite "Mixed Bizness", un morceau très Stax sous
ecstasy, presque Parliament en fait, presque Princier, celui des maxi
"America" ou "Love and Money" avec sa guitare wah
wah et sa basse accélérée. Un rapprochement rendu
évident par le fait que Beck chante presque tout lalbum en
voix de tête. Le quatrième morceau "Get real paid"
renvoie irrémédiablement à cause du vocoder, à
Zapp et à son fameux Zapp IV. Un album à acheter
durgence pour ceux qui ne le connaîtraient pas, mais qui sinspire
aussi de Kraftwerk et de son Tour de France. "Hollywood freaks"
nous ramène au début du Hip Hop et du rap. Lon songe
à Grandmaster Flash ou à Kurtis Blow pour le traitement
très Linn drum du son et pour les synthés très "Street
style" de lépoque, mais qui prolonge aussi son évocation
de lhistoire du rap par lusage des voix très Native
Tongues, comme les Jungle brothers ou De La Soul.
"Peaches and Cream" hésite entre les Stones de Black
and Blue du style "Hot stuff" ou ceux dEmotional
rescue. Cest en tout cas amusant dentendre Beck imiter
Jagger imitant lui-même les chanteurs soul noirs américains.
En plus les arrangements sont étonnants, Beck mêle guitares
acoustiques et électriques, la slide à lacoustique
et à une rythmique très laid back. Encore une fois, Beck
samuse à casser le morceau par un Break vocal sur lequel
se conclue le morceau avec larrivée des cuivres : un très
bon morceau.
"Broken Train" avec son marimba est plus typiquement beckien,
lon dirait presque une chute de lalbum précédent
Mutations mais les synthés très "Starsky and
Hutch thème" ainsi que lharmonica bluesy servent de
fil rouge à ce morceau moins typiquement Black que les autres.
"Milk and Honey" démarre sur un rythme chaloupé
et syncopé, cest le morceau le plus rock de lalbum.
Le piano et le refrain font très Black Crowes lorsque ceux ci jouent
de la soul. Un pont au synthé, de nouveau très Grandmaster
Flash entrecoupe le morceau. Encore un titre étonnant qui mérite
plusieurs écoutes, rien que pour la richesse des arrangements et
lutilisation des instruments, notamment lagencement des voix
sur le pont final. Sur ce morceau figure Johnny Marr lex guitariste
des Smiths, un as de la six cordes qui démontre une fois de plus
la richesse de son étendue guitaristique.
"Beautiful Way" réveille les fantômes des sixties
notamment les groupes de la côte ouest américaine, les Byrds
de Notorious Byrd brothers , les Left Banke et bien entendu le groupe
de Neil Young, le Buffalo Springfield. Une superbe composition très
country rock grâce à une magnifique partie de steel guitar
et dharmonica. Un grand morceau de plus, peut être le plus
pop de lalbum. Beck chante merveilleusement bien sur ce titre. Ce
morceau est le seul sans bruitages ni breaks impromptus.
"Pressure Zone" est à mon sens le morceau le plus faible
de lalbum. Cest un morceau assez pop mais sans plus. Enfin
"Debra" est un hommage à Prince et par delà, à
Marvin Gaye ou à Curtis Mayfield ou Bobby Womack, en un mot, à
tous les grands chanteurs de ballades soul. Le fait davoir placé
ce morceau en fin dalbum est idéal pour passer à autre
chose ou pour le remettre une fois de plus.
Un grand album de plus dans une discographie déjà très
riche mais au titre trompeur car il ne sagit pas dun album
de funk ou de soul. Il sagit simplement dun très bon
album de Beck ce qui est déjà énorme et suffisant
pour bien commencer à la fois lannée et le siècle.
Bertrand RICARD.
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