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- Quel est le point commun entre James
Brown et l'Olympique de Marseille, dites-moi ?
Ils "mouillent le maillot".
Ou encore : quel est le point commun
entre ces amants enlacés, enfièvrés de leur
étreinte, et ces manoeuvres sur le chantier, portant casque
obligatoire et courbant l'échine sous le fardeau des sacs
de ciment ?
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- Toujours le même. La sueur.
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- La Funk ? La fleur qui a poussé
sur une poubelle. L'âme-sueur prend la place des sueurs
froides pour vaincre la peur. Notre corps bouge, notre corps
s'anime. Nous suons. Cependant... "Se faire suer"!
Voilà une expression familière qui en dit long
sur la considération dont jouit la sueur sur l'échelle
des sécretions corporelles. "Se faire suer"
: une euphémisation qui la place juste au-dessus de "se
faire ch..."!
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- La sueur est cette trace que le corps
hygiéniste s'emploie à éliminer, ou à
dissimuler avec force déodorants et anti-perspirants.
Elle est la marque des laborieux, des travailleurs manuels, des
laissés-pour-compte, des combattants sur le front. Elle
est la marque de l'effort, voire de la lutte. Elle en devient
le symbole, comme le sport. Dernièrement, l'Olympique
de Marseille, à la peine en championnat, s'est retrouvé
en conflit avec ses supporters qui commençaient à
boycotter l'équipe et à la siffler dans son antre,
le Stade Vélodrome. Plus que la défaite, le public
reprochait aux nouvelles recrues prestigieuses du club de ne
pas assez s'investir. De ne pas "mouiller le maillot".
Car "à Marseille, même pour perdre il faut
savoir se battre", comme l'écrivait Jean-Claude Izzo
dans "Total Khéops", son polar marseillais.
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- L' "huile de coude" est le
carburant de l'effort. Sa matière première. Si
la sueur est cette manifestation déconsidérée
du corps humain, elle est aussi un des indispensables ingrédients
des scènes d'effervescence. Plus que la simple traduction
corporelle de cet état de conscience collectif.
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- La Funk, cette musique afro-américaine
qui connut son âge d'or au coeur des années soixante-dix,
nous révèle en concentré la place cruciale
que prend la transpiration. Allons en son coeur. Dépouillons-la
de ses oripeaux et de ses flamboyants costumes : sous les peaux
de zèbres, sous les cuirs cloutés, les combinaisons
inter-sidérales de pacotille, sous le strass, les plumes
et les paillettes, demeure la sueur. La matière première
donc. Le strip-tease n'est pas intégral, la nudité
est couverte par la sueur ruissellante sur la peau.
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- Remontons maintenant plus avant, vers
les origines. On raconte que le mot dérive du terme lu-fuki
qui, en dialecte ki-kongo, signifie "transpiration positive",
à comprendre dans sa dimension d'enthousiasme collectif.
Après quelques tribulations, comme celle d'avoir été
enfourné en fond de cale d'un vaisseau négrier,
il devient "funk" en anglais. Le sens s'est inversé,
s'il s'agit bien toujours de transpiration, c'est maintenant
la "sueur froide", la peur. La "funkiness"
désigne alors la peur bleue de l'esclave devant son maître.
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- Par extension, l'adjectif "funky"
renvoie également, avec une forte connotation sexuelle
et péjorative, à toutes les sécretions du
corps humain et leurs odeurs, celles du corps moite.
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- Le processus propre des cultures populaires
consiste à souvent inverser sémantiquement un phénomène,
le retourner à son avantage, peut-être en s'évertuant
par exemple à "faire contre mauvaise fortune bon
coeur", à "voir le bon côté des
choses".
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- Le but de la funk consiste désormais
à vaincre la peur, à changer la "sueur froide"
en chaleur collective, à donner à la fête
son âme-sueur. dit de la musique funk qu'elle est "la
fleur qui a poussé sur une poubelle", notamment en
référence à son inscription urbaine, au
coeur de la grande ville industrielle, au coeur par exemple de
Détroit, la "motor-town" américaine.
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- De Bruce Lee au Dalaï Lama, de
Mohamed Ali à Bob Marley, les nouvelles figures dominantes
de nos panthéons profanes entrent ici. Au-delà
de ces personnages charismatiques, le monde occidental s'est
irrémédiablement sorti de son "splendide isolement"
pour aller rencontrer les autres cultures. Il s'orientalise en
se ressourçant à différentes pratiques et
disciplines, asiatiques notamment, qu'il s'agisse du bouddhisme,
du yoga ou des arts martiaux.
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- Mais si les occidentaux se sont tournés
vers les cultures orientales pour ce qui est de l'épanouissement
personnel et la connaissance de soi, c'est au sein des cultures
noires qu'ils ont retrouvé ce qui leur manquait de l'enthousiasme
collectif.
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- En parlant d' "orientalisation
du monde", l'anthropologue Gilbert Durand considérait
qu'aussi bien les cultures asiatiques qu'africaines appartenaient
à nos "Orients mythiques". C'est ainsi que le
XXème siècle a fait la nouba, a fait la java, a
fait la bamboula. Cependant, ici, pour nous concentrer sur l'influence
des cultures noires et du Sud, il sera plutôt question
de sudation du monde.
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- La sudation du monde évoque à
la fois le Sud, sa chaleur et la sueur. Dans la fête, chacun
n'est qu'une rasade d'huile de cette mayonnaise qui se monte
à plusieurs.
- Dans un enthousiasme communicatif et
hyper-énergique, Carlinhos Brown et sa quinzaine de musiciens
sont "lâchés" sur scène. Chacun
se renvoie la balle pour faire éclater les solos par dessus
cette fantastique "machine à faire du groove"
qu'est le groupe. "Suco do suvaco" s'exclament les
musiciens, le nez collé à la touffe sous le bras,
le bras levé et plié sur la tête. Et le "jus
d'aisselle" ruisselle pour envelopper la fête, pour
lubrifier la transmission de la vibration, le passage de l'âme-sueur.
- "Dans la musique, personne ne transpire
par hasard. On transpire parce que l'âme bouge, qu'elle
aime bouger, qu'elle ne veut pas se cacher. Dans le sang, elle
aime la clarté que chacun possède et qui appartient
à tout le monde. Elle veut transformer tout ça
en beauté. La musique dissoud l'être humain et toi,
tu transpires. Quand la musique ne fait pas transpirer le corps,
elle fait transpirer les yeux et tu pleures".
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- "Quand tu l'écoutes, c'est
tellement "funky" que tu transpires instantanément!
C'est vraiment HOT!" La sueur, chaude et humide, joue le
même rôle que jouait le vin, lui aussi chaud et humide,
dans les rituels dionysiaques. Tous deux contribuent à
mettre les âmes en commun, à donner naissance à
l'effervescence et son âme collective.
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- "And this automatically throws
us either down under and/or out back. (...) It's most improbable
that anyone will ever know exactly who is enjoying the shadow
of whom". Duke Ellington introduit par ces quelques mots
sa suite "The Afro-eurasian eclipse", inspirée
du constat de Marshal McLuhan : le monde s'orientalise. Peut-être
les marges sont-elles saisies d'un repli frileux, peut-être
le leurre des "purifications ethniques" en aveugle-t-il
plus d'un, néanmoins nous ne pouvons nier l'omniprésence
de cette orientalisation du monde au sein de nos sociétés
occidentales.
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