La lutte efficace contre le racisme :
le bel exemple suédois


 


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Même si la technique utilisée fait débat en Suède et peut laisser perplexe les défenseurs de la liberté d'expression quels que soient les propos, l'on ne peut qu'être ébouriffé par la prise de position courageuse des médias suédois en matière de lutte contre le racisme et le négationnisme.

Il y a deux ans en Suède un livre sur l'Holocauste appelé " About this, you must tell " a été distribué gratuitement à tous les étudiants car un sondage réalisé à l'école avait montré que les étudiants ne savaient pas grand chose sur l'Holocauste et que les autres pensaient que cela n'était jamais arrivé. Dans le même ordre d'idée, les Suédois viennent de franchir un nouveau pas décisif en terme d'informations car cette année a été riche en crimes et délits émanant d'organisations néo-nazis. La voiture d'un journaliste enquêtant sur ces organisations a été brûlée ; le journaliste avait pu quitter la voiture. Deux policiers ont été tué suite à l'attaque d'une banque par des néo-nazis afin de renflouer le mouvement. Un syndicaliste a été tué car il avait alerté le syndicat sur la réalité de cet officiel du syndicat.

La Suède pensait auparavant et cela constituait la base de son action contre le racisme que le nazis ou les racistes étaient des jeunes désoeuvrés ou dérangés psychologiquement et qu'une écoute attentive suffisait à contrecarrer. L'opinion suédoise à changé et ne considère plus ces jeunes comme des victimes mais au contraire comme des individus dangereux pour la démocratie, intelligents et bien-organisés.

À la suite de manifestations prolongeant le meurtre du syndicaliste, la mobilisation a fait preuve de son dégoût de tous ces actes commis. Si les partis racistes ou nazis ne sont pas puissants en Suède, ils sont tous représentés en revanche dans les assemblées locales. Même s'ils nont pas beaucoup de sièges cela a suffit a inquiéter l'opinion. Depuis les débats se sont multipliés et les médias ont offerts des espaces de discussions.

Fin Novembre, les quatre plus gros quotidiens suédois sont passés à l'offensive et ont proposé pour la première fois, alors qu'ils sont concurrents et rivaux, les photos et les noms en couverture des 60 leaders des partis nazis suivie d'une rapide description de leurs activités politiques comme la publication de sites internet, de fanzines et de disques de " musique dédiée au pouvoir blanc ". Les journaux ont publié aussi, les casiers judiciaires de ces organisations.

Cette action a fait débat en Suède car elle est contraire à la loi et plutôt inhabituelle dans un pays qui respecte médiatiquement la présomption d'innocence. Si les journaux ne diffusent pas de photos de criminels et rechignent à le faire, le fait d'avoir publié des photos de personnes qui n'ont pas commis de crime a un peu dérangé les habitudes et dérogé à la règle. Mais comme ils ont de leur propre chef décidé d'être des hommes publics et des membres influents dans leur partis, cela a atténué les scrupules des journalistes. Certaines personnes ont été exclus de leur syndicat et une personne mise à la porte de son travail à été réinséré à son poste car la justice suédoise à mis en exergue la liberté d'expression. Pour certains qui l'avait caché à leur famille, cette publication a été l'occasion pour leur famille de découvrir leurs activités secrètes.

Même si l'on ne peut raisonnablement parler exclusivement d'humanisme et de philanthropie mais aussi de commerce car les journaux se sont vendus à des millions dexemplaires, cela a aiguisé la curiosité des suédois, soucieux de savoir s'ils reconnaissaient quelqu'un de leur entourage, cela a quand même permis d'informer la population qui avait tendance à penser ce type de comportements impossible en Suède. Les Suédois ont été neutres pendant la seconde guerre mondiale et la Suède non occupée pendant le conflit, à l'inverse des voisins norvégiens, danois et finlandais même si les Suédois autorisaient les Allemands à circuler sur le territoire et vendaient leur fer. L'histoire se répète car les explosions sporadiques des partis nazis adviennent sur les mêmes territoires qu'il y a 60 ans et il en va de même pour les poches de résistance au nazisme. Il faut noter toutefois qu'aucune photo ne réprésentait des anciens nazis mais au contraire des jeunes de 18 à 30 ans ce qui limite un peu la portée de l'action et la circonscrit à la lutte contre les skinheads. En revanche, l'on sait que certains anciens nazis ont fait leur mea-culpa, c'est le cas du PDG d'IKEA.

Ainsi, même si le but profond et la méthode employée peuvent nous surprendre nous Français, peu habitués à la transparence et à l'oecuménisme médiatiques, l'on ne peut être qu'admiratifs du souci national des Suédois pour ce qu'ils considèrent comme un danger. Quand on pense que Le Pen a fait plus de 15 % aux élections présidentielles, on mesure tout le chemin qui nous reste à parcourir.

 

Bertrand RICARD et Maja ABERG