Racisme et discriminations :
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Les institutions spécialisées font état à la fin de 1999 d'une montée inquiétante du racisme institutionnel. Il ne s'agit plus d'actes de haine explicites posés par des acteurs conscients, mais de phénomènes générés de façons aveugle par des processus en oeuvre au sein de certaines organisations dont aucun membre n'a l'impression d'agir individuellement de façon raciste. Au contraire, nous assistons à une montée de la discrimination émanant d'individus pas forcément racistes mais enclin à suivre l'opinion publique, majoritairement raciste. D'une certaine manière se fait jour une reconnaissance implicite de la montée du racisme qui justifierait certaines attitudes conscientes ou non de repli identitaire. Pour aller dans ce sens de nouvelles révélations plus qu'inquiétantes ont été dévoilées.

 

- L'Éducation nationale céderait à la tentation de former des " classes ethniques ".

Rue de Lancry dans le dixième arrondissement de Paris, les deux CP ont été séparés en fonction de critères ethniques : d'un côté, une classe denfants issus de la classe moyenne blanche et, de l'autre, une classe de chinois, de noirs et d'arabes. Saisi par un syndicat le FCPE, le directeur les a assuré que cela tenait essentiellement du hasard. L'inspection académique a remédié au problème en refondant ultérieurement les deux classes, devenus réellement mixtes. Eric Debarbieux un sociologue a constaté que le phénomène d'ethnicisation était en marche à l'Education Nationale. Pour garder les enfants des classes moyennes à l'école publique les proviseurs et les directeurs d'école multiplient la fabrication d'options destinées à regrouper les élèves entre eux et à créer des " bonnes " et des " mauvaises " classes.

Debarbieux fait état sur le bord de la Dordogne d'une classe regroupant les 25 élèves turcs de l'établissement. Pratiquant le découpage en secteur, l'Education nationale a ouvert la porte à la ségrégation et à la discrimination. À Colombes, grâce à une manoeuvre habile, prétextant une hausse démographique dans la zone pavillonnaire, le maire apparenté communiste a inscrit les élèves de la zone pavillonnaire dans une école flambant neuve et les autres des cités dans la vieille école vétuste. Rappelons qu'au premier degré, l'inscription est du ressort de la mairie et non de l'inspection académique. Mais celle-ci est également complice, dans le 12 ème arrondissement de Paris, l'école située au 27 de la rue de Reuilly accueille 40% d'élèves dorigine étrangère ; au 57, l'école A, 6% et la B, 26%. Très souvent ces classes sont donnés aux jeunes professeurs des écoles, les directrices se réservant les écoles blanches.

Ce phénomène découle de la perte considérable d'effectifs ayant été récupérés par l'école privée. Les familles favorisées fuient et se réfugient dans ces écoles ou dans ces classes ethnicisées. Il n'est pas trop tard pour réagir, mais la disparition du dernier lycée généraliste dans le 18ème arrondissement de Paris, le lycée Rabelais ne manque pas d'inquiéter les spécialistes, au vu des conditions de vie déjà fragilisées de ces jeunes vivant dans un quartier difficile.

Pour certains employeurs, la couleur de la peau prime sur les diplômes. Pour une association, l'AFIJ, ces difficultés pour trouver du travail lorsque l'on est issu de l'immigration sont bien réelles. Plus évidents encore dans le Sud de la France qu'au Nord, ces problèmes nécessitent une formation spécifique, c'est principalement ce que tente de faire 4AJA, car 40% des bac + 2 sur Marseille gagnent seulement le SMIC. Trop souvent les diplômés restent sur le carreau en dépit des cabinets de recrutement qui disent engager des jeunes immigrés car plus motivés que les autres. On peut douter de cet état de fait lorsqu'on lit dans Le Monde daté du Vendredi 17 décembre 1999, le témoignage de Georges, jeune ingénieur camerounais de 34 ans qui a été obligé d'être hébergé à l'école faute de pouvoir trouver une chambre en ville. Il s'entend dire : " depuis quand un Africain me dit ce que je dois faire ? " par les cadres dont il doit surveiller le travail. Il doit justifier son diplôme sans arrêt : " celui-ci ne vient pas de la brousse et non, le directeur ne connaît pas sa famille ". Ces phrases font partie de son quotidien, tout comme il se fait traiter de singe ou qualifier de Yannick Noah. Lorsqueil vient en blouse de travail pour rencontrer des clients, on le prend pour l'homme de ménage. Il a dû trouver en dépit de son salaire plusieurs personnes pour se porter caution pour lui. Lorsqu'il achète une voiture de 56 000 frs, avec un apport de 20 000 frs, on lui refuse pour cause d' " escroqueries trop fréquentes avec les Africains ".

Il s'entend également dire : " vous serez ministre quand vous rentrerez chez vous ", ce qui l'incite évidemment à partir, en tous cas, à ne pas prendre la nationalité française.

Le chemin semble encore long surtout que sort en janvier le rapport annuel de la CNCDH qui cette année risque encore d'être épais. Nous en reparlerons en temps et en heure.

 

Bertrand RICARD