Star wars 1 : La menace fantôme.

Georges Lucas, Octobre 1999.

 

La guerre des étoiles façon OMC.


A LA UNE
SOCIOLOGIE
ACTUS SITOYENNES
RENCONTRES
LITTERATURE
CINEMA
MUSIQUE
POST-FESTUM

 

Tout d'abord parlons un peu du film quand même. Ni chef d'oeuvre, ni le navet annoncé, le premier épisode de la guerre des étoiles s'en tire avec les honneurs. Bien sur, Lucas ne sait pas ce qu'est l'émotion et il est incapable de soutirer au spectateur un brin de sympathie ou de sentiment pour ses personnages qui nous paraissent s'agiter à des années lumières de nos préoccupations. Toutefois, ses personnages ne sont pas pour autant inintéressants, il sont simplement dénués de vie et de chaleur comme si l'histoire et la structure narrative rimaient sur la profondeur psychologique. En fait Lucas, s'en tient à saupoudrer son film d'éléments disparates qui font vite compilation à l'usage : un peu d'humour, d'amour, de drame, de combats et de batailles. Tentés d'en donner à tout le monde pour son argent, ce qu'il fait aisément dire le contraire serait mentir, il en perd quelque peu le fil de l'histoire, sauf dans la scène finale qui manie quatre développements parallèles assez habilement. Le film fait un peu collage et simple succession de scènes qui nuit à la profondeur des personnages. Le personnage joué par Liam Neeson est intéressant et surtout nouveau par rapport à ce que l'on sait de l'histoire, or Lucas réduit au minimum a présence. Il ne développe pas assez son enseignement donné à Obi-one Kenoby.

De plus, Lucas nous inflige pendant plus de deux heures, un horrible personnage Jar jar Binks qui a fait l'objet auprès des internautes américains d'une demande de sa suppression dans les futurs épisodes de la saga. Nous ne pouvons que souscrire tant ce personnage est non seulement bête et iconoclaste, comme le montre la scène de la bataille finale, mais plus encore inutile et mis là uniquement pour plaire aux enfants mais surtout fondé sur des archétypes nauséabonds, proche de la caricature des homosexuels, Lucas l'a affublé d'une voix digne de l'oncle Tom : il parle un argot de noir échappé tout droit de Tintin au Congo. Une horreur à supprimer de toute urgence.

Lucas avait affaire à une double contrainte et sur ce point il ne s'en sort pas si mal. Il devait conjuguer à la dure tâche de l'épisode introductif, une contrainte narrative préexistante dans la première trilogie. Sur ce point, l'amateur est ravi, il apprend ce qu'il voulait savoir sur la jeunesse d'Anakin Skywalker, futur Darth Vador et plus encore, lorsque l'on sait qu'il est né d'une immaculée conception, un maillon de plus à rapporter à la vaste mythologie dont l'histoire puise son inspiration et sa source.

Le film est esthétiquement assez beau et possède quelques morceaux de bravoure. La course inspirée de Ben Hur est fantastique de réalisme. Le palais et le sénat, surtout sont magnifiques ainsi que la cité lacustre. Le film manie l'iconoclasme avec élégance et nous plonge ainsi dans une variation de références les plus diverses et étalées dans le temps. On regrette par contre une certaine tendance à la stéréotypie pour certains personnages et caractères. Force est d'admettre que l'on sort satisfait et heureux d'avoir retrouvé des personnages attachants et de noter également qu'en dépit des critiques, ce film est incontestablement supérieur au " Retour du Jedi " qui avait clôt la première trilogie et qui tenait véritablement lieu de catalogue de jouet. L'on aurait aimé en savoir plus sur le méchant, même si Lucas en garde encore sous le pied pour la suite. On peut d'oreset déjà tirer des pistes sur l'origine et l'identité du maître du côté obscur de la force.

Pourquoi la critique s'est elle tant déchaînée sur ce film de facture classique dans sa forme et son fond et qui quoiqu'en dise Lucas,n'innove pas du tout formellement ? Lucas reprend les archétypes du péplum ou des séries B d'antan sans retouches. Lucas, certes, nous ajoué l'air du petit indépendant face aux géants, ce qui ne peut que prêter à sourire à bien y regarder mais cela ne suffit pas à justifier le feu des critiques qui s'est abattu sur lui. Les critiques se sont émus du développement du cinéma numérisé, sans support stable et malléable à souhait : en quelque soret, les critiques ont peur de la perte de traces et de la retouche permanente possible. De toutes les manières, Lucas l'a déjà fait avec sarévision vidéo du premier épisode, où de l'agresseur dans la première version, le sympathique héros Han Solo devient l'agréssé et se retrouveen situation de légitime défense. Robert Zémékis avait fait encore plus fort en truquant les images d'archives dans " Forrest Gump ". Cette peur del'image et de la destruction définitive de la vérité, de la disparition de la version princep existe depuis des lustres en musique, notamment dans le rapet la techno, où tout est échantillonné, distordu et remixé. L'art populaire a déjà plus évolué en ce sens que le cinéma ne l'a encore fait. Lescritiques ignorent-ils cela ou s'en écartent-ils parce que réservé à un art populaire qu'ils ignorent, méprisent et détestent.

Ce film et son accueil critique pose une fois de plus la question de son fondement ainsi que la question sous-jacente de la rupture définitivementconsommée entre le cinéma français et le public adolescent qui se tourne résolument vers le cinéma américain. La critique se trompe lorsqu'elle viseLucas, surtout si elle le prend pour cible synonyme de l'invasion américaine à quelques heures du débat amorcé à Seattle. Combien de films américains de série, produits en masse échappent au massacre, au tir des critiques par rapport à celui-ci. Lucas symbolise le triomphe de
l'impérialisme américain, il représente surtout un indéniable savoir-faire qui n'a rien à voir avec l'argent. Lucas ne prend pas, lui, le peuple pour des imbéciles, contrairement aux Clavier, Poiré et autres Zidi qui se fichent allègrement du monde. Lucas ne s'isole pas dans son coin, ni ne sombre dans l'onanisme ou le rejet du public. Il tente simplement de lui donner un bon moment. Est-ce aussi grave que cela ? Pour nous, en tous cas, beaucoup de réalisateurs et de critiques feraient bien d'en prendre de la graine et mieux respecter le public.

Si le niveau moyen du cinéma français était supérieur à ce film, alors l'on pourrait véritablement entamer le débat avec les Etats-Unis, sur la question de la qualité et de la quantité mais pour l'instant, tentons plutôt de répondre à nos propres interrogations et allégations quant à la manière d'envisager notre cinéma.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que le film présente par bien des aspects des éléments du débat qui va secouer l'OMC à Seattle. Le film pose en effet la question de la corruption et de l'effondrement de la démocratie. La menace fantôme est là, elle prend la forme du totalitarisme et de l'autoritarisme, mais en ce qui concerne, elle peut aussi prendre le visage plus passe-partout du sectarisme dont la critique française fait souvent preuve. Alors, ni Lucas, ni critiques élitistes. Espérons que la sagesse, toute " Jedïenne " prévaudra à Seattle.

 

Bertrand RICARD