Football Factory

Le côté obscur de l'effervescence

à propos du livre de John King



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La sortie en poche chez J'ai Lu du premier roman de John King , un auteur anglais né en 1960, est l'occasion de plonger au coeur du fameux "mal anglais" dont le hooliganisme en est le symbole le plus criant.
 
 
Premier roman d'une trilogie dont les deux autres volumes annoncés depuis plus d'un an ne sont toujours pas disponibles, Football factory décrit de manière radicale le quotidien violent d'un jeune supporter du club de football de Chelsea, réputé pour la violence de ses supporters.
 
Tom Johnson, le héros du livre supporter acharné du club, erre entre le chômage, la déchéance sociale, le racisme, la violence gratuite, les coucheries minables et l'alcoolisme. Le samedi après-midi, le jour des matches est l'occasion pour lui et les siens qui partagent cette réalité sordide et violente, orchestrée d'en haut par tant d'années de thatchérisme, de laisser éclater sa rage et sa colère, d'exprimer avec ses propres moyens sa traduction de la brutalité ambiante du marché et du commerce généralisés.
 
Exutoire à cette violence contenue par une politique hypocrite, une surveillance accrue, le contrôle social est présent dans tout le livre, et une manipulation médiatique aiguë, les matches ne sont qu'un prétexte à recréer du lien social, le plus brutal soit-il avec une société qui les rejette et dont ils sont les parias.
 
Livre dur, cru et réaliste, parfois drôle par son cynisme et par le portrait brossé des Londoniens qui ponctuent la trame du roman, Football factory, au même titre que O matador de Patricia Melo, mêle la sociologie au romanesque. Une phrase résume à elle seule, le ton du livre et l'ambivalence des personnages partagés entre la compréhension et la dénonciation de la perversité de la société d'aujourd'hui, tout en étant contraints à ne pouvoir s'en soustraire ni à la remettre frontalement en cause : "Fais-le uniforme, et tu auras droit à une médaille, fais le par toi-même, et tu auras droit à six mois de tôle".

B.R.

Extrait :

"Coventry égale de la merde. Une équipe de merde, des supporters de merde. Hitler a eu bien raison de raser cette zone. La seule chose intéressante qui soit jamais sortie de Coventry, c'étaient les Specials, et il y a des années de cela. A présent, ce sont les FA, autant dire rien, et jamais nous n'avons pu voir une baston correcte avec Coventry. La meilleure, c'était il y a encore deux ans, à Hammersmith, avec une bande de lutins des Midlands qui cherchaient un endroit où boire un verre dans la rue principale. Une quinzaine de petits connards avec des coupes de cheveux débiles et des bacchantes. Des cannes comme des moignons et des ventres à bière. On aurait dit des personnages de Emmerdale Farm, qui baisent les chèvres pour survivre. Quand ils nous ont vus arriver, ils ont filé, et ça sentait la merde plus fort que le gaz d'échappement, ce qui à Hammersmith, n'est pas peu dire."