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"J'aime bien les
racines mais je préfère les fruits"
aime dire Caetano
Veloso. "Livro", son
dernier album, l'illustre une nouvelle fois.
Aventureux et classique, il habite et cajole chaque
morceau entre bossa nova, samba-reggae, ou
drum'n
bass dodéca-
phonique.
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Sur ce "Dodeica", par exemple,
Caetano s'amuse à reprendre sur de vrais tambours, le
dernier rythme contagieux en provenance du Royaume-Uni, y
glissant au passage une allusion à sa chanson d'exil
anglais (1969) "London London" (Caetano aime bien, à l'occasion,
s'auto-citer, ndla).
L'ensemble s'attache à mêler
les racines, percussions afro-bahianaises et riches
arrangements d'orchestre inspirés de Jobim et Gil
Evans (signés de son maestro Morelenbaum), pour mieux
en cueillir le fruit : toute la patte de Caetano. Quelque
chose de ce que l'on appelle parfois post-moderne :
l'harmonie conflictuelle, cette vieille coïncidentia oppositorum des alchimistes.
C'est là le fondement du
Tropicalisme, le mouvement qu'il lança avec Gilberto
Gil et quelques autres dans les années soixante :
l'anthropophagie culturelle comme principe qui permet de
digérer toutes les influences pour en offrir une
toujours originale fusion : de beaux fruits.
Se rencontrent ainsi, chez Caetano
Veloso, le cru et le cuit, la tradition orale des rythmes et
les arrangements écrits pour l'orchestre. Cette
démarche alliant à la
prépondérance du rythme, la présence de
cordes somptueuses nous a donné quelques unes des
plus belles réussites de ces derniers mois (dont
Björk, bien sûr).
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La nouvelle
génération ne faillit pas et
perpétue le mélange des genres :
samba-funk pour Fernanda Abreu, la diva des
dance-floors cariocas, folklore nordestin, reggae,
influences sud-africaines ou zaïroises pour
Chico Cesar, le gnome "impérial" du Paraiba.
Sur "Raio
X", Fernanda
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Abreu
revisite certains de ses propres morceaux ou reprend
d'autres compositeurs, entourée de quelques uns des
plus brillants musiciens de la nouvelle
génération (Carlinhos Brown, Chico Science
& Nação Zumbi, Lénine, Ivo
Meirelles, etc...). À l'arrivée, le
résultat est pourtant assez inégal. Si "Rio
40°" ou "Speed racer" voient leur puissance de son
amplifiée, si "Jack Soul Brasileiro" de Lénine
est très réussi, on a parfois l'impression que
l'ensemble s'est dilué en comparaison de la
précédente bombe de la dame, le trop puissant
et mortellement groovy : "Da lata"...
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"Beleza mano"
est le deuxième
album studio de Chico
Cesar (son premier
disque était un "live"). On y retrouve les
mêmes ingrédients que sur le
précédent, la même tendance
à brasser reggae, folklore nordestin, rap
avec un égal bonheur. Une nouvelle fois, le
petit empereur y montre ses qualités de
mélodiste...
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- La fusion, c'est aussi ce que l'on a
longtemps appelé le jazz-rock : des jazzmen (Miles
Davis, Herbie Hancock, Weather Report, etc...) lorgnant
vers Jimi Hendrix ou le jeu en slap de Larry Graham, le
bassiste du groupe funk Sly and the Family Stone
(eux-mêmes noirs, blancs, femmes et hommes) pour
mettre de l'électricité dans le
jazz.
- Columbia réédite
l'essentiel du genre, ainsi qu'un
résumé-compilation : "Entrez en fusion".
Si la fusion a pu passer pour
"datée" à une époque, elle sonne
aujourd'hui très actuelle tant l'acid-jazz
procède de la même intention et prend des
"sons" aux années 70. Différemment, la drum'n
bass, issue de la jungle, est une fusion de techno et de
raggamuffin, le beat saccadé ultra-rapide de l'une et
la basse plus nonchalante de l'autre. "The Rough and the smooth" pour Outside, le dur et le
doux, machines et instruments pour une riche mixture de
jazz-funk 70's, drum'n bass et ambient...
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Enfin, pour Omar Sosa,
jeune pianiste cubain installé à San
Francisco, les racines sont libres ("Free Roots")
et sa musique mêle jazz, incantations aux
dieux de la Santeria, chacha et rap avec la
même fraîcheur. Ce premier album est
donc une vraie révélation. Le genre
d'objet qui n'a besoin que des quelques mesures
d'intro pour nous
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convaincre de sa puissance : piano
bien frappé, percus pour les toutes premières
mesures, puis saxo hurlant avant que le rappeur Will Power
déballant ses lyrics ne vienne, par cette
dernière couche, mettre tout le monde d'accord. Il
est certain que l'on entendra reparler de Omar Sosa.
Conclusion : c'est quand les racines sont
mûres que les fruits sont frais.
Olivier Cathus
- Caetano Veloso,
"Livro", Verve
- Chico Cesar, "Beleza
mano" Totem
- Fernanda Abreu, "Raio
X", Totem
- "Entrez en fusion", Columbia-SonyJazz
- Outside, "The rough and the
smooth", Dorado
- Omar Sosa, "Free
Roots", Night&Day
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