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Alors que
la France oublie ses nobles valeurs pour
préférer l'amalgame paranoïaque
et qu'elle expulse sans ménagement le
"clandestin", l'Afrique vient nous rappeler ce
qu'il y a de véritablement "sans-papier"
chez elle, sa tradition : orale.
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Une tradition orale, errante et
tolérante. Pour la porter, la musique, les musiques,
toute leur diversité. Loin des clichés, du
bambara au douala, de l'eton au lingala, kikongo, dogon,
etc., voici quelques bribes de la mosaïque africaine,
aussi diverse que polyglotte, du Cap-Vert au Zaïre, du
Mali au Cameroun.
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Depuis longtemps
déjà, Ray Lema nous parle de la
"philosophie de la roue zaïroise". La roue est
le rythme. Pour entrer dans le cercle toujours en
pointillé du rythme, il suffit de trouver sa
place dans les silences des autres. Sur ce
principe, point d'exclusion. Ray Lema,
après avoir vanté les analogies entre
la musique africaine et l'informatique, fait,
depuis deux son précédent album, un
retour à l'instrumentation
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acoustique. Il conserve cette
nouvelle orientation avec "Stoptime" et nous
offre un voyage en apesanteur où son chant grave
répond aux choeurs féminins accompagné
par son piano baladeur.
Le choix d'une musique acoustique nous
balade, de brousse en forêt, de merveilles en
réussites, jusqu'au bout de cette exceptionnelle
récolte d'albums.
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Honneur au plus ancien,
Francis
Bebey. D'origine
camerounaise, Francis Bebey entouré de ses
fils nous construit des ambiances rêveuses
posées par les sanzas (pianos à
pouce) évoquant peut-être la pluie sur
le feuillage de la forêt et nous chante la
tolérance dans un émouvant "Stabat
Mater Dolorosa".
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Du Cameroun, toujours, si Sally
Nyolo avec voix et percussions est la nonchalance
kinésithérapeute, Henri Dikongué
incarne plutôt la nostalgie de l'exil. Depuis des
études de droit à Besançon, il a eu le
temps de gratter sa guitare-saudade dans sa chambrette de
cité u., n'oubliant pas de faire danser de
réminiscences rumbas.
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Sous l'influence
américaine, beaucoup confondent "acoustique"
et "unplugged" ("débranché").
L'expression "unplugged" ne vaut rien pour celui
qui n'a jamais électrifié sa musique.
Par contre, pour le Congolais Sam Mangwana
et son "Galo
negro", c'est une vraie
résolution : acoustique et pan-africaine.
Celui qui débuta, dans les années
soixante, avec l'African
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Fiesta du Docteur Nico et Tabu Ley
Rochereau puis Franco, puis encore la disco, n'abandonne pas
pour autant la rumba congo-zaïroise, mais il la joue
acoustique et ouvre sa palette. Ainsi, l'album commence
lusophone par une coladera cap-verdienne à faire
passer l'été en dansant.
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De la même façon,
Boy Gé
Mendès,
cap-verdien tirant d'une enfance dakaroise le
surnom de "boy", élargit ses influences.
Accompagné de percussions, guitares, violon
même, il conjugue le créole
cap-verdien aux influences brésiliennes et
caraïbes, pour un très beau
"Lagoa",
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chaleureux et touchant. Quant
à la belle Fantcha, initiée au chant par
Césaria Evora, elle mêle l'émotion au
plaisir de la danse.
Entre le Cap-Vert et le Cameroun,
revenons vers la majestueuse musique mandingue. Tour
à tour, louchant sur le blues et les ballades
amoureuses (l'émouvant "On se donne la main") pour le
couple aveugle Amadou et Mariam, affolée et
tirée vers la danse, chez Néba Solo où
les balafons ne jouent pas "boum-boum" mais
"tibilibilidendeng", ou féministe (douce et ferme
à la fois) chez Nahawa Doumbia, une des grandes
chanteuses maliennes, là encore les traditions sont
vivantes.
Vivantes mais subtilement nuancées
de modernité. Habib Koïté s'est
suffisamment imprégné d'elles pour en faire la
synthèse et surtout prendre la liberté de
créer sa propre musique. Il réussit un
deuxième album, "Ma ya", magnifique, caressant,
chaleureux, dansant (en concert), plein de vie, où le
n'goni, le balafon et un petit tama (la fameux talking-drum,
ou tambour d'aisselle) se partagent la vedette avec les
guitares et un batteur qui caresse sa cymbale "jazz".
Partagé entre l'ouverture au monde et la
curiosité pour l'internet, Habib Koïté
confesse ses craintes pour le devenir de sa si belle culture
mandingue. Au Mali, la tradition est pourtant plus verte que
la terre.
Olivier Cathus
- Francis Bebey,
"Dibiyé", PeeWee
Music
- Henri Dikongué, "C'est la
vie" et Ray Lema, "Stoptime", Buda Music
- Sam Mangwana, "Galo
negro", Musidisc
- Habib Koïté, "Ma
ya", Totem
- Néba Solo,
"Kénédougou Foly" et Nahawa
Doumbia, Cobalt
- Amadou et Mariam, "Sou ni
tilé",
Emarcy-Polygram
- Boy Gé Mendès,
"Lagoa", Fantcha, "Criolinha"
et Sally Nyolo,
"Tribu", Lusafrica
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