DE BRISTOL À RECIFE :

VARIATIONS DRUM'N BASS

 

SOCIOLOGIE

ACTUS SITOYENNES

RENCONTRES

LITTERATURE

CINEMA

MUSIQUE

 

Il n'y probablement guère d'autres points communs entre Bristol et Récife si ce n'est d'être, à l'écart des capitales, le siège d'une scène musicale où mijotent les sons qui font l'époque.

De Bristol, Portishead, Tricky et surtout Massive Attack (dont les albums sont déjà des « classiques »), firent connaître le trip-hop, ses tempos ralentis et ses climats sombres et mélancoliques.

C'est également de Bristol que viennent Leonie Laws, Roni Size et Krust, auteurs du « New Forms », album-phare de la drum'n bass, où le tempo est rapide, les beats en rafales et la basse-ooka. Réunis sur le projet Breakbeat Era pour l'album « Ultra-obscene » (Delabel), ils y imaginent la drum'n bass vocale alors que le genre est jusqu'alors principalement instrumental.

Les morceaux deviennent chansons grâce à Leonie Laws. Avec une originalité qui devient évidence, elle réussit la brillante performance de (im)poser sa voix, à la fois forte et sur le fil, sur ces beats électros secoués et ces sons de guitares aux stridences rock. Sans rien lui oter de sa tension rythmique, une telle démarche peut donner plus d'accessibilité à la drum'n bass, de la même façon que c'est par l'originalité de ses vocalistes que le trip-hop a gagné à la fois en émotion et en popularité...

En tant que creuset des nouvelles musiques, cela fait déjà quelques années que Récife a supplanté Salvador de Bahia. En 1994, Chico Science (hélas disparu) et Nação Zumbi lancèrent un beau pavé dans la boue avec leur album « Da lama ao chaos » (« De la boue au chaos », ndla) et créant le mangue-beat qui mêlait l'inspiration régionale aux influences contemporaines : grosses guitares rock et rythmes du maracatu, en même temps qu'ils prenaient le crabe (caranguejo) pululant dans la boue des mangroves pour emblême.

Aujourd'hui, avec Otto, la musique évolue, le crabe reste... Dans ses paroles, outre le caranguejo, il est aussi question de « Changez tout », de la beauté de la mer, de télé achetée à crédit, d'une nouvelle voiture... Car Otto veut changer d'auto. Il voudrait une Renault ou une Peugeot, chante-t-il : Otto est francophile, la preuve, quelques textes en français (un peu cabossé). Otto a un nom allemand, il a l'air d'un Allemand mais Otto n'est pas un Allemand. Otto est de Récife et son album « Samba pra burro » (dist. Culture Press) une révélation : il y lance brillamment la musique brésilienne sur la voie des beats électroniques, approfondissant en quelque sorte la voie du défricheur Arto Lindsay. Célébré par la critique pauliste qui y voit un événement musical majeur des années 90, on pourrait rester a priori sceptique tant l'obsolète postulat « électronique = créatif » semble encore répandu là-bas. Pourtant, à l'écoute, force est de reconnaître qu'Otto a réussi une belle alchimie. Intégrant les rythmes régionaux du Pernambuco, les batteries et percussions jouées par-dessus les beats, des choeurs, trouvant le juste et équilibre entre les fréquences basses et aigües, son disque parvient à combiner l'agréable flottement de la bossa nova, le martèlement techno, le dansant et le tranquille, les ambiances de grande ville polluée et celles plus laidback de la plage, le tout sans oublier les refrains entêtants...

 

Olivier Cathus