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Katerine sort simultanément deux albums complémen- taires, « Les Créatures » avec groupe et orchestre, et « L'Homme à trois mains »,

plus arride, en solo enregistré à la maison. Sur le premier, le travail sur les ambiances sonores des Recyclers, combiné aux cuivres et au grand orchestre de cordes, n'est pas sans rappeler le « Trouble-Fête » d'Arthur H, alors que la musique va de bossas maladroites en collages sonores. La voix de Katerine s'y pose, fragile et mélancolique, ou récitante (rappelant Ramuntcho Matta) sur un ton de dadais naïf assez « tendance »...

Les pochettes annoncent le ton, c'est une mise à nu couleur blafarde. Katerine, par l'impudeur parolière, en se mettant à nu, illustre son temps, et on pourrait trouver dans ses textes un côté touche-pipi commun à la littérature contemporaine, pour le meilleur (Houellebecq) ou pour le pire. Ainsi Katerine pourrait-il s'approprier la vision du « monde comme supermarché et comme dérision » de Houellebecq paraphrasant Shopenhauer. Simplement partage-t-il avec l'auteur des Particules..., un sens de l'humour noir, un goût pour le détail au coeur de la société de consommation (« Poulet n°728120 »), ou encore pour des thèmes comme l'art de se prendre une veste (« Je vous emmerde »), et la masturbation (sa conséquence ?) dans « Combien d'hommes ? »... Plutôt qu'accentuer ce parallèle (forcément) artificiel entre les deux auteurs, demandons-nous où s'arrête l'auto-dérision et où commence la complaisance ? Et si on n'a pas la réponse tant pis. L'essentiel est de reconnaître que Katerine ne manque pas de faire mouche et d'être parfois très drôle, dans son rôle de pince-sans-rire, ou émouvant dans sa manière de se regarder le nombril (puisque ce double-album se veut journal intime).

Il est en effet assez rare de trouver des auteurs mettant à ce point en adéquation la forme et le fond. Certes "L'homme à trois mains", dans sa sécheresse et sa spontanéité peut être très horripilant. Livrer ainsi des bribes de chansons pourrait passer pour fumiste si l'on ne tenait pas compte du "concept" et donc trouver qu'il y a effectivement cette adéquation. Mais, à vrai dire, c'est vraiment "Les Créatures" qui mérite l'investissement. On y distingue deux principales pistes. Avec les Recyclers, sur certains morceaux, le travail sur le découpage est au premier plan, découpage puisque collage : extraits sonores, interventions vocales comme un cheveu sur la soupe, du genre "je suis sûr que vous êtes tout nu", répété sur tous les tons par Katerine... Sur ces morceaux-là, la voix se fera donc souvent récitante : "mon meilleur ami est un chien", etc... Sur l'autre versant, nous trouverons des chansons, au sens plus classique. Là, Katerine chante, souvent des ballades façon bossas de guingois et parfois, sur trois chansons, se fait accompagner par un vrai orchestre pléthorique en cordes etc... Mais quelque soit le style qu'il développe, Katerine réussit ses paris avant tout par ce qu'il nous dit. Et peut-être aussi pour parler d'aujourd'hui, faut-il commencer par parler de son nombril ?

Olivier Cathus