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Hasards de la distribution, deux albums de Caetano Veloso sortent coup sur coup en France et, accessoirement, nous rappellent que Caetano a fait des études de cinéma dans sa jeunesse.

Le premier est un enregistrement « live » de 1997 en hommage à Federico Fellini et Giulietta Masina, le second est la musique du film de Carlos Diegues, « Orfeu ».

Ce n'est pas la première fois que Caetano compose une B.O.F., on lui devait déjà celle de « Tieta », autre film de Diegues, il y a quelques années de cela (1996). Cette fois-ci, il s'est donc attelé à la partition du remake du film de Marcel Camus, « Orfeu Negro », film que les Brésiliens trouvent bourré de clichés. Cette nouvelle version est toujours tirée de la pièce de Vinicius de Moraes et donc, en plus de morceaux instrumentaux et d'une chanson inédite de Caetano, nous y retrouvons les chansons originales, ici interprétées par les acteurs principaux (quoique, il semblerait que ce ne soit même pas le cas pour Euridice) . Or si Orfeu et Euridice ont de belles gueules, leurs interprétations n'apportent rien à l'original et manquent tout simplement d'émotion. Tony Garrido par exemple, ici interprète d'Orfeu et, par ailleurs, chanteur de Cidade Negra, est moins à l'aise pour interpréter « Manhã de Carnaval » que le reggae qu'il joue avec son groupe. Quant à « Felicidade », l'autre chanson-culte de la pièce, la voix toute enfantine de Maria Luiza Jobim a bien du mal à en transmettre l'esprit.

La deuxième partie du disque est réservée aux pièces instrumentales, composées par Caetano et arrangées par son maestro Morelenbaum. Hélas, celles-ci sombrent vite dans le mielleux. Et, à travers ce travail, ce sont les limites de leur collaboration qui apparaissent. Ces arrangements pour orchestre à force de chercher à être « jolis » en oublient d'être « beaux ». Trop de sirop tue le sirop, en quelque sorte.

Reste alors Caetano reprenant seul « Os cinco bailes da historia do Rio » et, surtout, « O enredo de Orfeu (Historia do Carnaval Carioca) », le morceau d'introduction. Composé par Caetano Veloso et le rappeur carioca Gabriel o Pensador (qui a gardé son flow dans les poches sur ce coup-là), ce morceau est le samba de enredo qui manquait au film de Camus et dont l'absence n'était rien moins qu'une hérésie pour les Brésiliens. La B.O.F. de « Tieta » n'était pas non plus inoubliable, par contre, la chanson « A luz de Tieta » était devenu un succès réclamé et repris en choeur par le public lors des concerts de Caetano, or il n'est même pas sûr que « O enredo de Orfeu » connaise le même sort...

 

À l'inverse, sur « Omaggio a Federico e Giulietta », Caetano Veloso se produit sur scène en formation réduite. En plus d'un contrebassiste et d'un percussionniste, l'incontournable « Jaquinho » Morelenbaum est bien sûr là, cette fois-ci en violoncelliste virtuose plutôt qu'en arrangeur sophistiqué, ainsi que l'autre maestro, le guitariste Luis Brazil, toujours aussi stupéfiant et net quel que soit le style abordé.

Enregistré à San Marino, ce concert-hommage repose avant tout sur un répertoire de circonstances. Caetano interprète les airs chers à sa mémoire, fouillant dans ses souvenirs d'enfant cinéphile les émotions les plus fortes : « il fallait recadrer le tout dans la perspective du petit garçon qui regardait les films de Fellini dans la petite ville de Santo Amaro da Purificação, à Bahia. De fait, mes sentiments personnels de récupération métaphysique de moments passés, qui se rapprochent beaucoup de l'ambiance du cinéma de Fellini, sont intimement liés à ce lieu ». Caetano revisite certaines chansons bien choisies de son répertoire, bien sûr sa « Giulietta Masina » de 1987 mais aussi « Trilhos urbanos », « Cajuina », « Coração vagabundo » et « Lua, lua, lua, lua », se met à l'italien avec « Come prima » et en s'adressant au public, reprend quelques standards rétro comme « Coimbra » ou « Let's face the music and dance » mais aussi adapte certains thèmes de circonstances de Nino Rota sur d'autres chansons. Cela donne le magnifique « Dama das camelias » où le thème d'Amarcord sert d'introduction à une vieille marche de carnaval. Le concert se clôt dans un dernier rappel, plein d'émotion, sur l'air sans paroles de « Gelsomina ». Sa voix est toujours de velours, et rien moins qu'une des plus belles au monde, que demander de plus ?

 

Olivier Cathus

 

  • « Orfeu » (Nonesuch-Warner)
  • « Omaggio a Federico e Giulietta » (Verve-Universal Jazz)