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ARTO LINDSAY, Prize

Olivier Cathus


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La musique brésilienne, le New-Yorkais Arto Lindsay est tombée dans sa marmite quand il était petit. Il faut dire qu’il passa sa jeunesse au Brésil. Pour autant sa carrière musicale débute dans l’underground new-yorkais avec DNA, les Lounge Lizards, John Zorn ou encore Laurie Anderson...
Riche de ces expériences, ce n’est pas sans une solide réputation qu’il commence ses collaborations brésiliennes. Tout d’abord des productions : Caetano Veloso en premier lieu, mais aussi les albums de Marisa Monte dont le génial Rose and charcoal), Vinicius Cantuaria (qui l’accompagnera sur scène à Banlieues Bleues), etc....
Il produit Caetano Veloso pour la première fois en 1989, avec l’album Estrangeiro et poursuit l’aventure sur l’album suivant Circulado. Le son est remarquable, l’aventureux Caetano sans cesse à remettre sur le métier son ouvrage, en voit sa musique enrichie, enracinée dans son temps voire même déjà tendue en avant de lui.
L’échange est réciproque car, quand on écoute les premiers disques "brésiliens", ou premiers albums solo, d’Arto, on mesure tout ce qu’ils doivent à l’influence de Caetano. Même si la voix d’Arto ne peut se permettre de jouer du même registre.
À l’inverse aussi, quand on écoute le Livro de Caetano pour la première fois, on réalise tout ce qu’avait apporté Arto au son et à la musique du maestro bahianais. Si Morelenbaum assure de jolis arrangements, il manque une qualité de son qui est la patte d’Arto. Qualité que l’on retrouve ici sur son nouvel album Prize.
Après le magnifique Mundo civilizado en 97, un suivant Noon chill, en 98, étonnamment fade, on retrouve avec Prize un Arto des plus inspiré. Un disque où l’on retrouve le charme d’Arto et ce quelque chose de particulier : un son, une manière de créer un espace musical par le dépouillement savant de sa musique. Arto Lindsay compose, chante, joue, produit, crée des ambiances tamisées où toutefois les percussions sont mises sur le devant.
S’il y a quelque chose de profondément brésilien dans sa musique, ce sont les influences samba et bossa, rythmiques pour l’une et vocales pour l’autre. Arto s’appuie tout d’abord sur les puissants rythmes bahianais, amène une batucada puis lui adjoint des breakbeats, et pose sur ces rythmes puissants sa voix de freluquet.
Voix de freluquet de celui qui se lance maladroitement dans le chant voilé et fragile de la bossa, comme desafinado malgré lui, comme un premier de la classe à lunettes qui voudrait nous faire son Mr. Love en chanteur de charme. Et cette voix, si elle n’est pas celle d’un chanteur virtuose, possède un charme incomparable, celle de la sincérité, de l’émotion, de la mise à nu. Ainsi sur Mundo civilizado, fallait-il avoir du culot pour reprendre Al Green et sortir un tel joyau de ce "Simply beautiful" bien nommé.
La touche particulière de ce disque tient à ce qu’Arto a voulu y "faire du bruit" avec sa guitare. Ailleurs, entre de belles plages calmes aux touches bossa, on retrouve donc cette pulsation rythmique puissante sur quelques morceaux dont l’hypnotique "Prefeelings" où les percus montent en intensité sur la fin, sur fond de crissements bruitistes de guitare et les scanssions de Beans (the Anti-Pop Consortium).
Avec Prize, Arto Lindsay est toujours en phase avec la mutation contemporaine et tient bon son alchimie. Il pourrait même passer sans peine pour un pionnier de la MPB-électronisante tant l’approche d’un Lénine ou d’un Otto pompe aujourd’hui aux même mamelles que celles qu’Arto a lui adopté depuis un bail.

Olivier Cathus