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La
musique brésilienne, le New-Yorkais Arto Lindsay est tombée
dans sa marmite quand il était petit. Il faut dire quil passa
sa jeunesse au Brésil. Pour autant sa carrière musicale
débute dans lunderground new-yorkais avec DNA, les Lounge
Lizards, John Zorn ou encore Laurie Anderson...
Riche de ces expériences, ce nest pas sans une solide réputation
quil commence ses collaborations brésiliennes. Tout dabord
des productions : Caetano Veloso en premier lieu, mais aussi les albums
de Marisa Monte dont le génial Rose and charcoal), Vinicius
Cantuaria (qui laccompagnera sur scène à Banlieues
Bleues), etc....
Il produit Caetano Veloso pour la première fois en 1989, avec lalbum
Estrangeiro et poursuit laventure sur lalbum suivant
Circulado. Le son est remarquable, laventureux Caetano sans
cesse à remettre sur le métier son ouvrage, en voit sa musique
enrichie, enracinée dans son temps voire même déjà
tendue en avant de lui.
Léchange est réciproque car, quand on écoute
les premiers disques "brésiliens", ou premiers albums
solo, dArto, on mesure tout ce quils doivent à linfluence
de Caetano. Même si la voix dArto ne peut se permettre de
jouer du même registre.
À linverse aussi, quand on écoute le Livro
de Caetano pour la première fois, on réalise tout ce quavait
apporté Arto au son et à la musique du maestro bahianais.
Si Morelenbaum assure de jolis arrangements, il manque une qualité
de son qui est la patte dArto. Qualité que lon retrouve
ici sur son nouvel album Prize.
Après le magnifique Mundo civilizado en 97, un suivant Noon
chill, en 98, étonnamment fade, on retrouve avec Prize
un Arto des plus inspiré. Un disque où lon retrouve
le charme dArto et ce quelque chose de particulier : un son,
une manière de créer un espace musical par le dépouillement
savant de sa musique. Arto Lindsay compose, chante, joue, produit, crée
des ambiances tamisées où toutefois les percussions sont
mises sur le devant.
Sil y a quelque chose de profondément brésilien dans
sa musique, ce sont les influences samba et bossa, rythmiques pour lune
et vocales pour lautre. Arto sappuie tout dabord sur
les puissants rythmes bahianais, amène une batucada puis lui adjoint
des breakbeats, et pose sur ces rythmes puissants sa voix de freluquet.
Voix de freluquet de celui qui se lance maladroitement dans le chant voilé
et fragile de la bossa, comme desafinado malgré lui, comme
un premier de la classe à lunettes qui voudrait nous faire son
Mr. Love en chanteur de charme. Et cette voix, si elle nest pas
celle dun chanteur virtuose, possède un charme incomparable,
celle de la sincérité, de lémotion, de la mise
à nu. Ainsi sur Mundo civilizado, fallait-il avoir du culot
pour reprendre Al Green et sortir un tel joyau de ce "Simply beautiful"
bien nommé.
La touche particulière de ce disque tient à ce quArto
a voulu y "faire du bruit" avec sa guitare. Ailleurs, entre
de belles plages calmes aux touches bossa, on retrouve donc cette pulsation
rythmique puissante sur quelques morceaux dont lhypnotique "Prefeelings"
où les percus montent en intensité sur la fin, sur fond
de crissements bruitistes de guitare et les scanssions de Beans (the Anti-Pop
Consortium).
Avec Prize, Arto Lindsay est toujours en phase avec la mutation
contemporaine et tient bon son alchimie. Il pourrait même passer
sans peine pour un pionnier de la MPB-électronisante tant lapproche
dun Lénine ou dun Otto pompe aujourdhui aux même
mamelles que celles quArto a lui adopté depuis un bail.
Olivier
Cathus
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