le gredin

 

ORISHAS
A lo cubano

Olivier Cathus


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Les liens de l’exil seraient-ils moins forts que ceux du pied d’immeuble ? On peut se le demander à voir la circonspection avec laquelle on se penche sur l’objet sonore suivant. C’est une méfiance particulièrement aiguisée au sein du mouvement hip-hop, tant à force d’avoir vu des "faux" groupes, on inspecte de près les nouveaux venus pour voir s’ils seraient pas du genre usurpateurs. Raison de plus quand les rappeurs en question sont cubains. On se méfie car un groupe de rap cubain pourrait fort ressembler à un rêve de producteur, à une de ses chimères à blé.
Un filon à exploiter après que, dès son premier album il y a deux ans, Mangu ait décroché la timbale et fait connaître le rap latino sur fond de salsa samplée de par le monde. C’était une production américaine et le Mangu en question avait vécu un temps à New-York avant d’enregistrer son album à Miami.
Les Orishas, par contre, sont d’origine cubaine. Leur premier album A lo Cubano (EMI) sorti à l’automne 99 fut annoncé comme la nouvelle sensation. En ces temps de mode cubano-latine à tout va, il ne pouvait en être autrement. Alors, coup monté ? Quelque producteur a-t-il organisé un casting façon boy’s band pour trouver ces perles de rappeurs cubains si recherchés ? D’autant plus qu’ici le groupe est basé et s’est formé à Paris, signé par un label espagnol et rêvant de conquérir à terme la communauté hispanophone des States... Composé d’un producteur français-ex-rappeur (AS), de trois rappeurs cubains et d’un chanteur de son, les Orishas, à l’écoute, n’ont pas manqué leur coup.
Belle réussite : les flows des rappeurs assurent, la couleur cubaine est chaude, empreinte de son plus que de salsa. Le reproche qui pourrait lui être fait est de manquer de variété, mais tout compte fait ce reproche pourrait s’adresser à n’importe quel disque de genre, c’est-à-dire à une majorité de la production musicale. De plus, l’album est susceptible de cartonner avec une habile reprise de "Chan Chan", le célebrissime morceau de Compay Segundo, taillée pour supplanter efficacement l’original dans les soirées… Là encore, interrogation des sceptiques : bel et sincère hommage ou caresse dans le sens du poil du grand public néophyte en la matière mais n’ayant pu manquer d’entendre déjà l’original… Mais va-t-on reprocher "Aïcha" à Khaled ?
Et, enfin, quant à l’identité du groupe, on reposera la question : les liens de l’exil sont-ils moins forts que ceux du pied d’immeuble ?

 

Olivier Cathus