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Chris Cornell, Euphoria morning :
La vie après le grunge

 

Bertrand Ricard


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Le premier album solo de l’ex chanteur-guitariste et principal compositeur de Soundgarden apporte une réponse positive à la principale question que l’on était en droit de se poser après le split de Soundgarden, l’éclatement temporaire d’Alice in chains, la mort de Kurt Cobain et la perte d’influence de Pearl Jam : y a-t-il une vie après le Grunge ? Tout comme l’a déjà prouvé l’album solo de Jerry Cantrell, l’avenir du grunge passe tout d’abord par de bonnes compositions –c’est en partie pour cela que l’on aimait tant la scène de Seattle – mais surtout par un élargissement du spectre musical à des influences moins bruyantes au premier abord que Led Zeppelin ou Neil Young version électrique. La recherche d’autres influences pullule ici sous les doigts de Chris Cornell à la fois dans les compositions et dans les arrangements riches et variés.
L’on savait que Kurt Cobain vouait un culte aux Beatles, on découvre ici que c’est également le cas de Cornell. Cornell avoue aimer les Beatles pour leur diversité stylistique et il leur rend alors un bien bel hommage tant cet album est marqué du sceau de la pluralité. La version française de "Can’t change me" se caractérise par un accordéon des plus "Paname" qui donne une allure très chanson française à un morceau pourtant typiquement grunge. "When i’m down", permet à Cornell d’enregistrer son rêve, une superbe ballade soul avec pianos et chœurs à l’avenant ponctué d’un magnifique solo très harrissonien. Sur "Sweet euphoria", Cornell démontre qu’il est un superbe compositeur et guitariste, il franchit ici avec aisance le pourtant périlleux exercice de la ballade acoustique et intimiste. Comme gage d’élargissement du langage musical, Cornell va même jusqu’à rendre image à Duke Ellington dans l’intro très années folles de "Disappearing one" qui pourrait être aussi bien d’ailleurs un hommage caché au "Honey pie" des Beatles. Sur "Follow my way" on comprend mieux pourquoi c’est Cornell lui-même qui s’est chargé de la retranscription des bandes du second album posthume de Jeff Buckley, Cornell délivre ici le plus vibrant hommage possible au tant regretté musicien dont on annonce ces jours-ci la parution d’un album live.
Mais Cornell ne renie pas pour autant son passé et les morceaux les plus soungardiens sont peut-être les meilleurs de l’album, comme "Mission", "Moonchild" et surtout "Steel rain". Bref, un superbe album qui est injustement passé inaperçu et qui mérite un coup de pouce supplémentaire. Cornell comme chez l’Oréal "le vaut bien", lui qui fait de la musique depuis l’âge de 7 ans et qui prend son temps pour faire ses disques. Laissons-le tranquillement mijoter son second opus qui sera déterminant pour le reste de sa carrière. Espérons qu’il restera sur cette voie, moins financièrement rentable que le grunge, mais musicalement encore plus riche. Un album de musicien pour des auditeurs c’est rare !


Berric.