le gredin


Rage Against The Machine,The battle of Los Angeles :
Le sens du combat

 

Bertrand Ricard


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Groupe peu prolifique, trois albums en dix ans de carrière, c’est avec un plaisir non feint que l’on reçoit ce troisième opus de RATM, tant celui ci représente une sorte d’idéal pour les amateurs de rock : un groupe qui ne se limite pas à l’exploration musicale mais qui au contraire essaye d’instaurer une nouvelle forme de lien social. Un groupe qui respecte aussi son public et qui lui laisse l’initiative d’une écoute intelligente et interactive. En quelque sorte l’achat de l’album n’est qu’un moment de la vie du fan, c’est à lui de choisir ou d’inventer la vie qui va avec. Ainsi, RATM délivre à la fin du livret les logos et les adresses des associations ou des organisations qu’ils soutiennent et celles qui aident Rage dans leur lutte. RATM pousse à la lutte sur tous les fronts. Mais RATM s’appuie sur un réseau énorme qui brasse bien au-delà du rock. RATM respecte aussi les intellectuels et tout comme le fait la sociologie de Pierre Bourdieu incite les gens dominés à lire pour pouvoir rivaliser avec ceux qui les exploitent physiquement mais aussi par l’usage et la maîtrise du langage. RATM n’est qu’un haut-parleur et veut informer les gens sur ce qui se passe dans le monde au-delà d’ailleurs du titre de l’album. Los Angeles, leur ville symbolise et cristallise l’ensemble des murailles à abattre mais ils voient plus loin que la ville californienne même si la ville de par sa dureté et son étendue nécessite une attention accrue comme le montre le superbe livre incontournable de Mike Davis, City of Quartz (La Découverte). Plus la liste des associations s’étend plus cela indique que les combats à mener sont encore nombreux mais cela préfigure aussi de la réussite et de l’efficacité de ce réseau.
Rage, continue la lutte sociale et politique mais reprend aussi la bagarre musicale laissée quelque peu en friche ces derniers temps et se révèle avec cet album à des années lumières devant leurs rivaux, qu’ils ont laissé à la traîne. Les groupes capables de rivaliser avec eux ne sont plus légions. Intéressant par son histoire et son parcours mais aussi par son caractère innovant, RATM fascine aussi maintenant complètement sur le plan musical. Dans la continuité du merveilleux premier album et du second, peut être moins fort, ce troisième album reprend les affaires, là où le groupe, les avaient laissées.
Les textes sont plus étoffés et moins "premier degré " que sur les deux albums précédents. Zack DE LA ROCHA s’époumone intelligemment, toujours avec ce niveau de persuasion et de sincérité qui n’appartient qu’aux grands. RATM persévère dans sa croisade pour la musique non synthétique mais cela s’entend de moins en moins car Tom MORELLO multiplie les trouvailles sonores et les riffs inventifs qui élargissent la palette sonore du groupe. On se demande même parfois si c’est encore réellement de la guitare. Morello développe la tessiture de l’instrument et son registre sans avoir recours nécessairement à l’escalade technique ce qui dans le cas de ce genre de musique constitue la réelle prouesse. RATM se rapproche de plus en plus de LED ZEPPELIN, à qui, il fait de plus en plus penser tant au niveau de son influence sur les autres groupes que pour sa manière toute particulière d’aborder les morceaux et la superposition de riffs complexes et qui s’imbriquent idéalement les uns dans les autres. La rythmique déplace les montagnes et fournit le socle idoine pour que s’expriment la guitare et le chant. "Guerrilla Radio" et "Voice of the voiceless" indiquent la voie à suivre, peut être celle des Internautes du monde entier qui luttent contre l’ignorance. "Calm like a bomb" désigne le climat de l’album, tout comme la maturité qui s’y fait jour et un certain regain de force : une pensée plus positive qu’une force nécessairement de contestation. RATM envoie des bombes sonores et vindicatives. Si RATM s’offusque et pense remarquablement contre, il n’oublie pas également de proposer des solutions pour changer le cours des choses. Un album vraiment interactif qui vous donne une pêche d’enfer. Vivement le prochain, même si l’on aimerait que d’ici là, certaines choses se soient arrangées sur la planète.


Berric.