le gredin


KORN, Issues, Epic 1999 :
Rentré dans le rang.

 

Bertrand Ricard


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Il est paradoxal qu’au moment même ou KORN rentre dans le rang qu’il intitule son album "sorties". KORN qui avait été jusqu’à maintenant un groupe difficile tant sur le plan mélodique et auditif que relationnel, (on sait les problèmes rencontrés par le groupe en Europe et sa mauvaise réputation justifiée de ce côté de l’Atlantique) cherche à la fois à accroître son audience et à garder les fidèles de la première heure, ce qui donne cet album hybride et mineur dans sa discographie.
D’un côté l’album démontre une volonté d’élargir le spectre sonore typique du groupe, connu pour ses infra-basses et un son grave et rugueux, aussi le groupe emploie de nouveaux les cornemuses sur Dead et va même jusqu’à s’approcher sur "Make me bad" du son John Barry. Le groupe tente même pour la première fois de flirter avec de mélodies plus classiques, ce qui permet à Jonathan Davis de laisser éclater sa classe et l’ampleur de son registre. Pour une fois, on sait le respect que l’on doit à Brendan O Brian, celui-ci a desservi le groupe en polissant les chansons, en les rendant plus lisses. Contrairement aux disques précédents la dynamique entre les graves et les aigus est moins prononcée, la rythmique est plus en arrière et les guitares moins violentes.
Mais lorsque l’on réécoute les deux premiers albums, beaucoup plus sauvages, on s’aperçoit que rarement un groupe a mis autant d’eau dans son vin en si peu de temps. S’il fallait parler de chemin parcouru, on ne sait plus trop s’il faut parler de retour en arrière ou de marche logique en avant. Au final c’est cela qui déçoit, de voir KORN devenir un groupe de plus. Non cet album n’est pas mauvais, il est même franchement écoutable, mais c’est justement ce qui déroute. Il n’engage plus l’auditeur à lutter avec le groupe, derrière la hargne et la rage, pointe l’amertume et la tristesse.
Cet album est d’une certaine manière triste dans sa conception et sa réalisation, il se dégage comme un goût d’aseptisation et de triomphe pour l’industrie du disque. KORN devient un groupe blanc et semble avoir perdu son désir de métisser les musiques, la culture black et californienne s’est effacée, au regard d’une fusion plus délibérément rock-pop. En plus l’album traîne un sentiment d’usure et de déjà-vu, le groupe a tendance à se répéter un peu, plusieurs morceaux ressemblent franchement à des chutes de l’album précédent et à perdre son désir d’exploration. Cet album sent l’obligation contractuelle, sortir des disques tant que cela marche et exploiter le filon - il faut dire que le succès du groupe est colossal aux USA, le groupe a éclipsé, à l’exception de Limp Biskits, tous ses concurrents.
Au final un disque d’un groupe que l’on ne saurait au choix de qualifier soit d’assagi ou de résigné, en tous cas un disque de transition qui montre l’embarras dans lequel se trouve le groupe : poursuivre ses recherches sonores ou produire des tubes comme ici "Falling away from me" ou "Somebody someone". Une preuve évidente que l’an 2000 sera l’occasion d’une remise en question pour beaucoup.


Berric.