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Le Brésil fête en cet an 2000 ses cinq cents ans. Tout au
long de lannée, le Gredin participera à cette célébration.
Nous rendrons ainsi hommage à ce pays fascinant, que ce soit par
les participations de nos correspondants ou que ce soit par une rétrospective
musicale. Mais nous commençons tout dabord cet hommage au
Brésil par un flashback et un autre hommage, un hommage appuyé
à Bahia et sa capitale Salvador.
En effet, Salvador, capitale de létat de Bahia, a fêté,
à la fin mars 1999, ses 450 ans. À la même période,
quelques jours plus tôt se déroulait le 6ème PercPan
(Panorama Percussivo Mundial)... Retour sur ces deux événements
en fondu-enchaîné...
Toujours
emmené par Gilberto Gil et Nana Vasconcelos, ce festival-panorama
ne se contente pas dorganiser des concerts mais propose aussi ateliers
et rencontres. Les participants y présentent ainsi leur art, leurs
rythmes et leurs instruments à un attroupement curieux ou se confrontent
à une autre formation, généralement locale. Car si
le panorama est mondial, les groupes locaux sont bien représentés
tant à Bahia les percussions font la vibration quotidienne et donnent
son identité musicale à la région.
Linauguration, le 24 mars, innovait cette année et se présentait
sous la forme dune grande parade de rue. Délaissant pour
la soirée le Théâtre Castro Alvès, la cérémonie
se déroulait à sa porte quasiment, sur le Campo Grande,
cette grande place en centre ville. Là, autour du monument, des
petites scènes disposées en cercle. Sur la place, la foule
tranquille par petits groupes attendait en espérant quil
ne pleuve pas, saison des pluies oblige. Heureusement il nen fut
rien et les batucadas purent lune après lautre commencer
leur défilé, accompagnés de danseurs, jusquà
occuper chacune des petites scènes autour de la place. Les tambours
du monde prenaient place.
Bien que les Tambours
du Burundi soient toujours aussi remarqués et spectaculaires, les
blocs afros bahianais Malê et Muzenza, en rangs serrés, nétaient
pour loccasion pas les moins discrets.
Après le défilé, cétait maintenant au
son de tourner. La mise en scène circulaire révélait
à merveille sa logique : le festival est un panorama, ce soir à
360°, et les rythmes tournent. Donc les sons, et en conséquence
le public, aussi tournent. Donc, chacun son tour, les ensembles attaquaient
leur mini-concert, chaque petite scène voyait se tasser le public
alors que le groupe entamait sa partie.
Nana Vasconcelos,
tambour en bandoulière, et Gilberto Gil, tout en blanc aux couleurs
des Filhos de Gandhi, se faisaient sobres Maîtres de Cérémonie,
ne soctroyant pas plus de temps que les autres groupes, les Malê,
Muzenza, Silverclouds Singers, Indios do Xingu, Tambores de Crioula do
Maranhão, Issucatasom ou Tambours du Burundi...
Cette inauguration était un beau spectacle, tout simplement, une
chaleureuse parade mondiale (même si lEurope ny était
pas représentée) sans chichis ni fioritures artificielles,
et un sincère message universel délivré en chanson
par Gil. On aurait juste aimé que cela dure plus longtemps...
Sans perdre de temps, le lendemain après-midi, je filais au Largo
Tereza Batista, au coeur du Pelourinho, pour assister à la rencontre
du jour. Une rencontre entre " indiens ". Dun côté,
les " régionaux de létape ", jai nommé
les Apaxes do Tororo : tous noirs ! De lautre, les Silverclouds
Singers, Amérindiens des Etats-Unis, un peu pâlots (et limite
obèses) il faut bien dire. Dailleurs, lun dentre
eux avait même pris un méchant coup de soleil sur ses mollets
daspirine, lesquels étaient pour loccasion plus "
peaux-rouges " quil ne laurait souhaité.
Sans perdre de temps, façon de parler, en sarmant de patience
serait plus juste. La rencontre a pris du retard. Lassistance, dans
un espace à ciel ouvert, était pour le moins clairsemée.
Il ny avait pas foule : une majorité de lycéens en
goguette et se goinfrant de chips Pringles (sponsor du festival) et quelques
journalistes, principalement...
Lencontro commençait par une présentation du répertoire
de chacun. Les Apaxes do Tororo commencèrent donc et martellèrent
leurs rythmes un bon quart-dheure avec leur bonne quinzaine de percussionnistes
présents pour loccasion (mais une quinzaine ne représente
quune infime proportion de leur nombre total). Ensuite les Silverclouds
Singers y allèrent de leurs chants en tapant un énorme tambour
rond autour duquel ils étaient assemblés.
Puis, ce fut le temps
de lencontro proprement dit : on séchange les instruments,
on se prête les baguettes. Et cest là que les pauvres
Silvercloud Singers furent le plus à la peine : quand il durent
essayer de suivre le rythme des Apaxes sur les tambours que ces derniers
leur avaient prêté pour loccasion. Sûr que ça
les changeaient de leur boum-boum lancinant, de leurs battements patauds.
Ils se trouvaient même franchement en galère, narrivant
pas à choper le truc, limparable groove bahianais. Au bout
dun moment, les charitables Apaxes durent les aider : en attrapant
par les poignets chaque Silvercloud Singer tenant des baguettes et en
lui imprimant ainsi la cadence, sacré image ! Comme un adulte qui
empoignerait la main dun enfant de maternelle pour laider
à écrire son nom. Cétait visiblement le seul
moyen de les faire battre en cadence.
Le soir de ce même 25 mars, première soirée au Théatre
Castro Alvès. Gil et Nana étaient toujours les MCs
et venaient régulièrement assurer les intervalles entre
les groupes. Un vaste plateau était au programme, alternant les
rythmes les plus anciens et archaïques, comme ceux des Indios do
Xingu, aux plus savants, comme par exemple ceux du pauliste Dalga Larrondo
(diplomé du Conservatoire de Rueil Malmaison) ou, encore, mêlant
les deux comme lorsque Egberto Gismonti, au piano, partagea la scène
avec les indiens camaiuras do Xingu emmenés par son vieux "
maître spirituel ", le pajé Sapaim.
Autre performance, accompagné de Leon Gruenbaum aux claviers et
effets sonores, et du percussioniste Cyro Baptista, Nana Vasconcelos se
lançait dans une Techno Suggestion qui ne devait pourtant pas grand-chose
à la techno. Cétait bien un mix de percus live et
délectronique mais cette dernière dimension "
techno " était réduite à sa portion la plus
minimale, et hyper-cheap par-dessus le marché.
Nana revint sur la fin avec une autre formation, plus festive et colorée
: Evocação A Pernambuco, constituée pour loccasion.
Un peu à la façon dAlfredo Rodriguez et son spectacle
" Cuba Linda " pour les musiques cubaines, Evocação
A Pernambuco revisite le patrimoine musical traditionnel (maracatu, etc...)
de létat nordestin, aujourdhui carrefour des nouvelles
musiques au Brésil. Cette " évocation ", folklorique
sur les bords, dégageait un bel enthousiasme, car que demander
de plus quand aux tambours sajoutent les chants de toute la troupe
et la présence tonique de jolies danseuses costumées de
couleurs vives ? Peut-être un espace plus festif... En effet, le
TCA est un beau théâtre, les fauteuils y sont bien confortables,
le fond de lair frais climatisé mais, dans ces conditions,
nulle fosse pour que le public danse de concert.
Enfin, la soirée se finissait par une prestation toujours aussi
énergique et impressionnante des Tambours du Burundi.
Le lendemain matin, le 26 mars, Zakir Hussain animait un workshop, accompagné
au ghatam de Vinayalaram, son vieux compère de Shakti. Le plus
célèbre des joueurs de tabla, devant un parterre attentif,
assis en U devant lui, passa deux heures à nous présenter,
avec beaucoup dhumour, son instrument et à essayer de nous
expliquer les savantes constructions rythmiques indiennes, totalement
différentes des brésiliennes. Il y a en Inde du Nord, disait-il,
environ 360 rythmes différents. Lui-même, le virtuose mondial,
en quarante ans de pratique des tablas, en connaissait 20 ou 22 ! Pour
nous montrer les possibilités mélodiques de lun des
deux tambours, il samusait entre deux questions à jouer quelques
notes de " Garotta de Ipanema ", taquinait le gros ventre de
son compère, quil prétendait indispensable pour bien
caler le ghatam (tambour de terre), et ayant donc eu besoin pour cela
dingurgiter dénormes quantités de riz.
Et moi, jétais là, tout fraichement arrivé
à Salvador, mettant pour la première fois les pieds en Amérique,
à lautre bout du monde, en train découter captivé
deux types qui venaient eux-aussi du bout du monde, mais pas le même
bout que moi ! Global village ? Cest vrai que Gilberto Gil, en tant
quorganisateur, ne pouvait quessayer douvrir ce festival
à cette quête de luniversel qui lanime depuis
toujours...
Laprès-midi, un encontro de choc, toujours au Largo Tereza
Batista : Olodum et les Tambours du Burundi. Il y avait plus de monde
que la veille, ça sentassait serré en attendant que
ça déboule. Et quand ça déboula, ce fut puissant.
À deux mètres des surdos, sûr quil ny
avait pas besoin de micros ! Hélas, ils ne jouèrent pas
ensemble. Ce fut pourtant une réelle rencontre. Tout dabord,
après deux invitations déclinées pour cause de guerre
civile, cétait la première fois que les Tambours du
Burundi avaient loccasion de venir participer à ce festival.
Et, si Olodum et eux ne firent pas tourner le rythme ensemble, les regards
échangés des percussionnistes devant les performances de
lautre groupe témoignaient dun fort respect. Les tambourinaires
dOlodum en particulier semblaient le plus impressionnés,
ou au moins sensibles à ce que leurs rythmes " viennent "
en quelque sorte de là...
Ce même soir,
je ne retournai pas au TCA pour la deuxième soirée du festival.
Bien que ratant pour loccasion la réunion de Zeca Baleiro
(en M.C. de limbolada) et des Tambores de Crioula do Maranhão,
ce fut sans regret. Et pour cause, Caetano Veloso passait à la
Concha Acoustica, le grand amphithéâtre en plein air, situé
juste derrière le TCA.
Caetano
arrivait dans sa ville présenter la tournée " Prenda
minha ". Et le moins que lon puisse dire est quil fut
très fidèle aux versions du disque-live : mêmes chansons,
mêmes arrangements, mêmes enchaînements aussi. Heureusement
cétait quand même plus long que le disque, notamment
parce quil joua plus de morceaux tirés de " Livro "
et plus de vieilles incontournables chansons de son répertoire.
Jétais
très enthousiaste : je voulais enfin le voir jouer " à
domicile ". Au final, ça ne change pas grand-chose dans le
sens où, jusquà encore récemment, la moitié
de la salle était brésilienne lors de ses concerts parisiens
! Et, par conséquent, reprenait en choeur les inusables "
Sampa " et " Terra ". Une différence notable toutefois,
en France les salles où il se produit sont plus petites. Tandis
que là, cest vaste.
La Concha est un immense
amphithéâtre qui tire son nom de sa forme de coquillage.
Den haut, alors que jattendais pour macheter une bière,
Caetano était vraiment tout petit sur scène. Lattente
se faisant longue, je tapais la causette avec un Pauliste aisé
installé à Salvador (car " à São Paulo,
il ny a que le boulot qui compte "). Il mindiqua, à
deux mètres au-dessus de nos têtes, dans la loge dhonneur,
un type quil ne semblait pas porter dans son cur mais dont
il me dit quil était lhomme le plus important du Brésil.
Cétait A.C.M., Antonio Carlos Magalhães, le Président
du Sénat brésilien, ancien Gouverneur de lEtat de
Bahia et maire de Salvador. Ceci dit, la belle jambe que ça me
faisait...
Et je dois également dire que je nai pas assisté au
final de PercPan le lendemain, toujours au TCA, avec tous les artistes
invités sur scène mais rien de nouveau non plus... Parenthèse
: javais été plus curieux de voir à quoi pouvait
ressembler ici une soirée techno que certains appelaient déjà
abusivement une rave. Lévénement avait lieu dans un
petit théâtre, le Teatro XVIII, dans le bas du Pelourinho.
Le public était jeune, plutôt étudiant ou issu des
classes moyennes. Lappelation " techno " sentendait
au sens large puisquon y écoutait pas mal de big beat, à
base des incontournables Fatboy Slim ou Propellerheads. Le plus étonnant,
mais très anecdotique, fut de remarquer que les Djs utilisaient
des Cds. Restons-en là et laissons les puristes hurler au blasphème,
au crime de lèse-majesté à légard des
vinyls : fin de la parenthèse.
Le festival, il faut bien le reconnaître, naccaparait pas
toute lattention, loin sen faut. Pendant ces jours-là,
la ville se préparait à fêter ses 450 ans. Des ouvriers
plantaient des scènes sur les places, ou encore sur la plage de
Barra où était également édifié un
vague chateau décoré de gros pantins (statues de carton-pâte
?) représentant les acteurs de la découverte de Bahia...
La ville de Salvador allait donc se célébrer, fêter
son anniversaire. Pour fêter, il est vrai quà Bahia
tous les prétextes sont bons et les pré-fêtes de rigueur.
Et quand Salvador est fêté, la fierté des Bahianais
est proprement étonnante, chacun se fait fort dêtre
un propagandiste enflammé de sa " Terra da felicidade ".
Lanniversaire de la ville fut fêté par son lot de commémorations
académiques, ses reconstitutions historiques aussi pataudes que
partout ailleurs où nexiste pas le Royal de Luxe, mais le
plus important des réjouissances fut bien sûr la musique.
Le dimanche 28 mars, au soir, à la Dique do Tororo, Margareth Menezes
était la meneuse de revue dun concert rassemblant rien moins
que Gilberto Gil, Tom Zê, Lazzo, les Filhos de Gandhi ou Ilê
Ayiê. Dans cet espace vert au milieu des échangeurs dautoroutes,
proche dun lac artificiel du genre de celui du Bois de Vincennes,
les statues des Orixas autour en plus, sétait plantée
la scène.
Le concert était bien sûr gratuit et la foule serrée
et distraite. Les roulottes à boissons et à fritures ne
se souciaient pas le moins du monde des artistes sur scène et mettaient
leur propre musique à fond. Alors même que Gil était
seul sur scène et commençait par " No woman no cry
", une partie du public semblait se satisfaire dêtre
là et dansait au son de leur propre sono crachant des pagodes saturées
et éraillées et se faisant aussi envahissantes que les fumées
de saucisses grillées et les coups de klaxons en veux-tu en voilà.
Ambiance bon enfant, bonne ambiance. Pas la transe mais une bonne ambiance.
En repensant à nos grands concerts en plein air, à nos nuits
musicales dans les rues de Paris, à loccasion de Fêtes
de la Musique ou des antiques concerts de SOS Racisme, on nest pas
vraiment dépaysé en ce sens que par endroits ça danse,
ailleurs non, la foule est juste là debout devant la scène
à écouter le concert. Pareil ? En tout cas, cest pas
le Carnaval.
Le lendemain, sur la place Castro Alvès (encore lui, qui est-ce
? un poète bahianais du XIXème siècle ayant combattu
pour labolition de lesclavage), carrefour habituel du carnaval,
la foule se (com)pressait pour lhistorique concert de Caetano Veloso
et sa soeur Maria Bethânia, réunis par limportance
de lévénement.
En France, depuis grosso modo Circulado (1991) et Fina estampa
(1994), Caetano est sorti de la confidentialité pour être
découvert par un public sans cesse plus large. Enfin apprécie-t-on
à sa juste valeur sa sophistication veloutée et on lui souhaiterait
même une célébrité plus grande. Par contre,
ici, il ny en a que pour lui. Outre ses mines et humeurs de cabot-chochotte,
une partie du public commence à être atteint dune certaine
lassitude et, surtout, lui reproche de trop devenir l "artiste
officiel" de Bahia (et aussi dêtre un peu trop ami des
A.C.M. et autre F.H.Cardoso). Il faut dire aussi que la famille Veloso,
elle a quelque chose domniprésent à Salvador.
Tout dabord les chansons de Caetano, bien sûr. Là,
cétait sa version de " Sozinho " qui était
sur toutes les lèvres prises de fredonnement impromptus, qui était
la plus acclamée et reprise en choeur aux concerts. Jen fus
très étonné lors du concert à la Concha, certes
il la reprend sur " Prenda minha " mais je naurais pas
soupçonné quelle serait celle qui décrocherait
la timbale à lapplaudimètre ! Incroyable popularité
que je ne compris que quelques jours plus tard devant la télé
: pardi, " Sozinho " fait partie de la bande sonore de "
Suave veneno ", une novela du moment !
Parenthèse sur la télé brésilienne... Une
autre fois, je tombais sur un gros navet avec Demi Moore (a-t-elle fait
autre chose que des navets ?) et je fus assez étonné du
doublage. En effet, dans ce mélo-cucul, jentendis un gros
smaaarck-sluup alors quelle embrassait le héros. Et je suis
persuadé que ce smaaarck-sluurp nétait pas dans la
version originale, dautant que pour les baisers hollywoodiens ils
mettent pas la langue, je vois mal la Demi Moore et son partenaire en
tirer des bruits aussi juteux (juteux au sens propre). Les acteurs du
doublage se sont donc certainement plus " lâchés "
que ceux que lon voyait à lécran...
Mais revenons à nos Veloso. Les Veloso sont partout. À tel
point que lon se croirait presque au " jeu des 7 familles "
! Outre Maria Bethânia, la grande soeur Mabel est poètesse,
les fils régulièrement invités sur scène,
la mère Dona Cano, assise ce soir-là dans un fauteuil en
coulisses (ou dans la loge voisine de celle dA.C.M., à la
Concha), sans oublier, dans lespace VIP faisant face à la
scène et qui évitait au beau monde dêtre serré
avec la populace (et où moi-même je métais faufilé
grâce à une amie ayant les bonnes relations), sa jeune femme
(aux airs très bourge) et un des grands frères, la soixantaine,
presque son portrait craché en version plus "notable "
(du moins jusquà ce que le concert commence et avant quil
ne senflamme plus que la partie de la famille sur scène !).
Je étais on ne peut plus réjoui dêtre là.
Ce concert était historique, sans déc. Et puis, les
voir tous les deux ensemble, cétait pour moi rare et même
inédit. Dans lattente, je fus pris dun " effet-madeleine
", je me souvenais de la découverte de leurs disques, et,
à ce moment, en particulier dun vieux vinyl, un live où
ils partageaient laffiche et où javais été
frappé dentendre à quel point sa voix à elle
était plus forte et grave que celle de son frère et, presque,
la couvrait.
Quand ils entrèrent sur scène, je fus ravi de les voir commencer
par une chanson que jaime tout particulièrement, " Os
mais doces barbaros " qui ouvrait aussi lalbum-live éponyme
de la " bande des 4 ", avec Gil et Gal.
Caetano et Bethânia égrenèrent ensuite un chapelet
incontournable ce soir-là, de célébrissimes chansons
à la gloire de Salvador et de Bahia car, comme le faisait justement
remarquer Juremir Machado da Silva, " pour un Bahianais, dire "
Bahia " cest déjà de la poésie ".
Même si le groupe de Bethânia les accompagnant ce soir était
particulièrement lourdingue et sans finesse, à mille lieues
des musiciens de Caetano, ce fut pour moi inoubliable et grand.
Autre grand moment dans le concert, la partie où Caetano se retrouva
seul avec sa guitare. Le public sur la place, populaire et coloré,
chantait et reprenait toutes ses paroles par coeur. Populaire, oui. Car,
à 20 réals lentrée, ce nétait
pas lui qui risquait davoir accès à son show de la
Concha. Et ce soir, le public populaire en donnant de la voix, se rattrapait
de tous les autres shows manqués faute dassez de grana. La
version de " Tieta ", par exemple, que Caetano jouait tout seul
en saccompagnant de sa guitare, fut vraiment reprise par toute la
place noire de monde avec un entrain ébouriffant.
Cette séparation des publics est une constante ici. Même
dans le Candéal, la favela doù est originaire Carlinhos
Brown, cest pareil : quand Timbalada donne un concert au Guetho
Square, ce sont les jeunes des classes moyennes qui sy rendent.
Les riverains, eux, suivent le concert depuis la rue. On voit cela partout,
dans le Pelourinho aussi, si lentrée est payante, lambiance
est parfois plus relevée dans la rue, en face dun bar musical
que dedans. Et cest aussi un des paradoxes de la musique brésilienne
que la M.P.B. (Musique Populaire Brésilienne, léquivalent
de la Chanson ici, ndla) soit aujourdhui plus représentative
des goûts des classes moyennes tandis que la vraie musique populaire
bahianaise est à chercher du côté du samba-pagode,
de la axè, de la sertaneja (country locale), voire du samba-reggae
ou des afoxès (plus traditionnels).
Au final, cette célébration des 450 ans de Salvador fut
sympathique et chaleureuse mais la ville se remettait encore de leffervescence
carnavalesque et lanniversaire se déroula sans excessifs
débordements festifs. La dimension festive était-elle diluée
dans les aspects officiels de lévénement ? Et puis,
la fête na pas besoin danniversaire ici. Tenez, sans
parler des week-ends, cest déjà chaque mardi la fête
au Pelourinho...
Chaque mardi donc, pour se mettre les orixas dans la poche, pour sacquérir
leur clémence, est organisée la Festa da Benção,
la fête de la bénédiction. Sans être un prétexte,
sil y a une origine religieuse aux réjouissances, ces dernières
sont on ne peut plus profanes.
À Paris, les employés municipaux, chaque semaine, sortent
les tubes métalliques et montent les structures des marchés.
Ici, les employés municipaux, chaque lundi, sortent les tubes métalliques
pour monter la structure des scènes de concert où se produiront
des ramifications des pieuvrissimes Olodum et Muzenza. Des tambours à
gogo, des tambours en pagaille, un véritable PercPan hebdomadaire.
Sans parler des répétitions quotidiennes que lon peut
entendre au détour des rues du Pelô.
En tout cas, Bahia, ça commence avec un B. Comme Byzance...
Olivier
Cathus
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