"J'AIME BIEN LES RACINES MAIS JE PRÉFÈRE LES FRUITS"
 
Petit entretien avec CAETANO VELOSO



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Depuis le temps qu'on écoutait sa musique, il y a deux ans, profitant de la conférence de presse suivant la sortie de "Livro", nous avons pu lui poser deux ou trois questions... Petit entretien inédit...

 

 

 

O.C. : Récemment, deux sociologues brésiliens se querellaient. L'un regrettait l'absence d'une réelle philosophie brésilienne. Des philosophes brésiliens venaient bien étudier la philosophie en France, par exemple, pour l'enseigner au Brésil mais il n'existait pas de philosophie brésilienne. L'autre lui répondit alors vivement "mais comment peux tu dire que n'il y a pas de philosophie brésilienne alors que nous avons Caetano !"

Caetano Veloso : Que voulait-il dire ? Que c'est de ma faute s'il n'y a pas de philosophie brésilienne ou si elle est mauvaise ?

O.C. : Non pour lui, c'était très positif, le signe justement qu'il existait une philosophie brésilienne.

C. V. : C'est très flatteur alors ! En fait, j'ai composé et enregistré "Livro" en même temps que je finissais mon livre "Verdade tropical" et j'étais très accaparé par ce projet. Appeler le disque "Livro" était donc un clin d'oeil, une blague adressée à ceux qui disent que c'est l'énorme popularité des chanteurs au Brésil qui tue la véritable pensée.

O.C. : Et que raconte votre livre ?

C. V. : Il parle du Tropicalisme, du Brésil, de notre regard sur cette époque. Et ce sont aussi beaucoup de souvenirs...

O.C. : Bien entendu, la pensée ne passe pas uniquement par le livre, dans "Livro" la musique elle-même n'est-elle pas une réflexion, un regard sur le monde fait du mélange de l'oral (les percussions) et de l'écrit (les partitions pour l'orchestre et les arrangements) ? N'est-ce pas une synthèse de ces deux mondes là ?

C. V. : C'est effectivement une synthèse dans ce sens-là, mais aussi une synthèse de l'ancien et du nouveau. Le nouveau, ce sont ces percussions bahianaises inspirées du reggae dans les années quatre-vingt, devenues par la suite samba-reggae, et qui correspondent aujourd'hui à une éspèce de pulsation universelle. L'ancien, c'est ce que j'écoutais quand j'étais jeune, à savoir surtout du jazz cool et de la bossa-nova. Les arrangements de "Livro" par exemple, sont influencés pas Gil Evans.

O.C. : Est-ce que cette synthèse de l'ancien et du nouveau va dans le sens de ce que vous avez dit un jour, "j'aime bien les racines mais je préfère les fruits" ?

C.V. : C'est vrai, j'ai dit ça. C'était il y a très très longtemps. En 79, je crois. C'était d'ailleurs dans un entretien avec un journaliste français, Rémy Kolpa Kopoul. Mais, tout à fait, oui...

O.C. : On sent dans "Livro" une certaine continuité avec "Fina Estampa", votre précédent album en studio, mais aussi beaucoup de différences, comme une nouvelle orientation, quelle place tient-il donc dans votre discographie ? Est-ce l'amorce d'une nouvelle piste ou une fin de cycle ?

C. V. : C'est une nouvelle piste. Il y a quelque chose de "Fina Estampa", un certain raffinement, mais aussi quelque chose de "Tieta do Brasil", la musique du film que j'ai composé et qui avait cette force avec l'orchestre et surtout les percussions. Mais c'est vraiment une ouverture vers ce qui va suivre, vers d'autres fruits !

Propos recueillis par Olivier Cathus